Un des maillots à gagner lors du Fantaclassics 2018 était le maillot TVM de la saison 1991. Ce fut l’occasion de se replonger dans l’histoire de cette équipe néerlandaise, une des dernières à représenter la diversité des formations des Pays-Bas avant l’arrivée de l’institution Rabobank, aujourd’hui Lotto Jumbo NL. Une équipe qui a traversé la décennie des ‘90, avec son panache, ses victoires et ses désillusions.

Contrairement à ce que les initiales TVM pourraient laisser croire, la marque néerlandaise qui décide d’investir dans le vélo en 1986 n’est pas un concurrent direct des autres géants du TV-HiFi présents dans le peloton depuis quelques années comme Panasonic, PDM ou Toshiba. Non, TVM est simplement une société d’assurance spécialisée dans le transport. Par souci de transparence et d’équité, il faut tout de même noter que le deuxième sponsor lors des saisons 1991 et 1992 était Sanyo, une entreprise de produits électroniques ayant pignon sur rue à l’époque, mais rachetée récemment par Panasonic…

Toujours est-il qu’en 1986, le projet de créer une nouvelle formation néerlandaise de haut niveau n’était pas un pari gagné d’avance, étant donné que la grosse écurie Panasonic et la nouvelle équipe PDM n’allaient pas spécialement laisser beaucoup de place aux nouveaux venus. L’équipe s’appelle alors TransVeMij et passe deux saisons relativement anonymes avant de raccourcir le nom en TVM en 1988, année où un jeune directeur sportif de 31 ans, ambitieux et en quête d’expérience, vient mettre l’équipe sur de nouveaux rails. Ce jeune directeur sportif s’appelle Patrick Lefevere. Il ne restera qu’un an, mais ça suffira pour faire comprendre à la direction du groupe qu’il était inutile de lutter contre les équipes à gros budgets ayant des ambitions sur les grands tours, mais qu’il fallait trouver une niche pour y briller. Et c’est exactement ce qui allait se passer au cours des 10 années suivantes, avec la particularité que l’équipe TVM allait associer des niches spécifiques à des coureurs de nationalités différentes. Des coureurs essentiellement venus du Nord: la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas.

Les Belges pour les classiques

L’arrivée de Lefevere en 1988 est associée avec celle d’un coureur qui marquera toute l’histoire de TVM: Johan Capiot. Le Limbourgeois, alors âgé de 24 ans et au palmarès relativement vierge, s’impose dès sa première saison sur la Flèche Brabançonne et se répètera l’année suivante. Il fera le triplé en 1992 et sera d’ailleurs le premier coureur à inscrire son nom à trois reprises au palmarès de la semi-classique brabançonne. Un record qui sera plus tard égalé par Johan Museeuw et Oscar Freire et dépassé par Edwig Van Hooydonck. Johan Capiot était un bon coureur de classiques. Il remportera aussi deux fois la course d’ouverture du Het Volk, un Paris-Tour et trois GP Samyn et frôlera le grand coup à plusieurs reprises, notamment avec sa 3ème place à Paris-Roubaix et 2ème place à Gand-Wevelgem en 1992. Il restera chez TVM jusqu’à la fin.

Alors que l’équipe TVM semblait se contenter de succès sur des classiques mineures, l’arrivée en 1995 de Peter Van Petegem allait changer la donne. Celui qu’on surnommera le Zwarte van Brackel (le Noir de Brackel) montra très vite de bonnes prédispositions pour les classiques en prenant la deuxième place de l’E3 en 1996. L’année suivante, il remporteea le Het Volk et confirmera ensuite sa victoire lors de la course d’ouverture en 1998, année où il obtient aussi des top-10 au Tour des Flandres, Gand-Wevelgem et Milan-Sanremo. Pour la dernière saison de TVM dans le peloton, Van Petegem offrira enfin le grand succès tant attendu en s’imposant d’abord sur le GP de l’E3 et ensuite sur le Tour des Flandres, au termes d’un sprint royal face à Frank Vandenbroucke et Johan Museeuw.

La victoire de Van Petegem au Tour des Flandres en 1999 sera un beau cadeau d’adieu, car TVM se retirera au terme de la saison et la structure qui poursuivra son chemin avec le deuxième sponsor de Farm Frites finira par retrouver Lefevere après une fusion qui débouchera sur la Domo – Farm Frites qui deviendra plus tard Quick Step.

Les Scandinaves pour les étapes sur les grands tours

Une des grandes contributions de l’équipe TVM à l’histoire du cyclisme, c’est d’avoir permis l’essor du cyclisme scandinave. Avant TVM, il était plus ou moins inexistant et peu de coureurs issus des pays nordiques avaient réussi à se faire un nom dans le peloton. Cela changera avec l’arrivée chez TVM de Jesper Skibby, une des autres grandes légendes de l’équipe après Johan Capiot. D'autres coureurs lui suivront le pas comme ses compatriotes Bo Hamburger et Lars Michaelsen ou le Norvégien Otto Dag Lauritzen. Comme c’est souvent le cas pour des coureurs de pays n’ayant qu’une culture cycliste limitée, la course qui compte pour les scandinaves, c’est le Tour de France. Ces vikings sur deux roues n’avaient pas développé de spécialités. Ils n'étaient pas grimpeurs, ni sprinters, encore moins simples porteurs d’eau. Ils avaient du panache et n’avaient peur de rien. Ils aimaient bien rouler à vélo et rêvaient de gagner des courses sur le Tour ou d’endosser le maillot arc-en-ciel. Ils étaient donc très polyvalents et les meilleurs d’entre eux devienaient de redoutables finisseurs. C’est le cas de Jesper Skibby qui remporta des étapes sur tous les grands tours: trois sur la Vuelta (2 en 1991 et une en 1995), une sur le Giro (1989) et une sur le Tour (1993), mais aussi dans une moindre mesure de Bo Hamburger, Lauritzen et Michaelsen qui remportèrent tous une étape sur un grand Tour lors de leur passage chez TVM. Hamburger était plus grimpeur que finisseur. Il sera plus compétitif dans les courses difficiles en Italie et en Espagne, mais ne gagnera jamais beaucoup. Etrangement, malgré ce palmarès limité, tout le monde se souvient de Bo Hambuger. Probablement à cause de son nom tout aussi atypique que familier… Son plus beau fait d’arme sera sa médaille de bronze aux championnats du monde de San Sebastian en 1997, une des dernières courses qu’il fera en tant que coureur de TVM, puisqu’il quittera l’équipe à la fin de la saison pour rejoindre Casino avec qui il remporta la Flèche Wallonne en 1998. 

Toujours est-il que les coureurs scandinaves, autant que le public, apprennent le cyclisme auprès des belges et des néerlandais de TVM. Ils découvrent les classiques où ils obtiennent quelques bons résultats et peuvent clairement être considérés comme les ancêtres des coureurs nordiques qui ont brillé sur le Tour et les classiques au début du 21ème siècle, comme Thor Hushovd, Edwald Boasson Hagen, Alexandr Kristoff et surtout le champion du monde 2019 Mads Pedersen..

Les Néerlandais pour les sprints

En tant qu’équipe néerlandaise, TVM a bizarrement très peu mis en avant les coureurs locaux. Le fait que Stephen Rooks ou Gert Jan Theunissen soient venus y terminer leur carrière de manière anonyme n’a pas vraiment marqué l’histoire de l’équipe. Par contre, celui qui a clairement été le coureur le plus victorieux de TVM, c’est le sprinter Jeroen Blijlevens. Celui qu’on appelait Jeroemmeke (à une époque où Tommeke Boonen n’était encore qu’un adolescent boutonneux) n’a pas couru à l’époque la plus facile pour un sprinter et c’est peut être pour cela que son empreinte sur l’histoire du cyclisme a été limitée. Contemporain du Roi Lion Mario Cippolini qui imposa son train parfait pour tout rafler pendant des années, mais aussi du sprinter fou de Tashkent Djamoldine Abdoujaparov, du teigneux et ultra-complet Erik Zabel, ou des jeunes Robbie McEwen ou Tom Steels, Jeroen Blijlevens a dû se battre pour imposer son style et sa vitesse. Etant plutôt un sprinter old school, le beau gosse du Noord Brabant gagnait mais par à-coups et n’arrivait pas à s’imposer comme le numéro un du sprint. Au final, il compte onze victoires d’étape dans les grands tours avec le maillot TVM. Un maillot qu’il regrettera après 1999, puisque sa carrière post-TVM sera plutôt catastrophique, avec peux de victoires et une droite bien tassée dans la tronche de Bobby Julich comme seul réel exploit…

Comme toutes les équipes des années ’90, la formation TVM sera impliquée dans les scandales de dopage ou dans des révélations d’anciens coureurs. Lors de l’affaire Festina, TVM fait partie des équipes qui se retirent du Tour pour protester contre les traitement infligés par la police française qui avait l’équipe dans le viseur après avoir saisi des produits dopants dans une voiture officielle. Les révélations d’anciens coureurs se succèdent alors dans la confusions la plus générale, ce qui pousse TVM à quitter le peloton au terme de la saison 1999. Il restera le souvenir d’une équipe qui a traversé toute la décennie avec des coureurs au panache évident. On peut d’ailleurs aussi citer l’australien Phil Anderson, présent au début de l’aventure, ou les néerlandais Servais Knaven et Bart Voskamp, vainqueurs de quelques courses importantes, voir les russes Dimitry Konishev et Sergey Ivanov. Mais Johan Capiot, Jesper Skibby, Bo Hamburger et Jeroen Blijlevens restent, chacun à leur manière, les coureurs les plus représentatifs de l’équipe TVM.


 

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