La première classique monument de la saison se déroulera ce samedi entre Milan et Sanremo. Alors que la Classicissima est généralement la classique pour sprinters par excellence, les jetmen font quelque peu défaut dans les listes des favoris d’avant course. On peut presque parler d’une hécatombe. Le point sur l’état de forme de rares sprinters ayant encore l’ambition de lever les bras sur la Via Roma.

Généralement, la semaine qui précède la classique appelée La Primavera permet de passer en revue la longue liste de sprinters qui rêvent d’ajouter leur nom au palmarès d’une des plus prestigieuses course du calendrier. Et pour cause, avec un parcours relativement facile et des montées roulantes comme la Cipressa et le Poggio comme seules difficultés, la classique italienne a souvent souri aux grosses cuisses, surtout à celles capables de s’accrocher dans les deux montées précédant l’arrivée dans le ville des fleurs. Milan-Sanremo, c’est un peu leur course. Mais encore faut-il qu’ils soient un minimum en forme pour espérer avoir leur mot à dire. Et pour diverses raisons, cette année on a plus cité les sprinters pour s’interroger sur leur état de forme ou annoncer leur forfait, que pour les placer dans la liste des favoris pour la victoire.

Les absents

La liste des sprinters déclarant forfait pour la Primavera s’est dramatiquement allongée ces derniers jours. De la chute et la fracture de la main de Fernando Gaviria, aux derniers forfaits de John Degenkolb et Giacomo Nizzolo, en passant par l’absence de Nacer Bouhanni, de nombreux protagonistes de la course des dernières années ne seront simplement pas au départ. Leur dernières prestations à Paris-Nice ou Tirreno-Adriatico n’avaient pas vraiment été encourageantes et ne laissaient présager rien de bon. Leur forfait est sommes toutes assez logique.

Présents, mais avec beaucoup d’interrogations

Un autre sprinter qui aurait pu ne pas y être mais qui sera finalement bien au départ, c’est Michael Matthews. L’Australien a depuis longtemps fait de la Classicissima un objectif de carrière, mais sa micro-fracture de l’épaule survenue lors d’une chute sur le Nieuwsblad a fait sauter sa participation aux Strade Bianche et à Tirreno-Adriatico. Matthews prendra finalement le départ de Milan-Sanremo avec seulement une course dans les jambes depuis le début de la saison. Malgré tout le courage qu’il pourra montrer, on doute qu’il puisse être réellement compétitif.

Le même discours est valable pour Mark Cavendish. Cannonball reste sur deux abandons lors des premières étapes du Abu Dhabi Tour et de Tirreno-Adriatico suite à des chutes qui ont laissé des traces. Si son début de saison n’était pas mauvais, ce serait étonnant qu’il puisse lutter pour la gagne, lui qui n’a réussi à sprinter pour la victoire qu’à deux reprises lors des neuf participations, avec, il faut le rappeler, un succès en 2009.

D’autres sprinters qui devraient figurer parmi les favoris ou parmi les prétendants à un top-10, sont sortis de Paris-Nice ou Tirreno-Adriatico avec plus de doutes que de certitudes. C’est le cas notamment de Caleb Ewan qui n’a pas fait mieux qu’une 11ème place lors du premier sprint de Tirreno-Adriatico avant d’abandonner à la cinquième étape. Ou de Danny Van Poppel, leader de Lotto Jumbo NL pour samedi, qui a obtenu une 8ème et une 12ème place lors des deux sprints massifs de la course des deux mers face à une concurrence plus qu’abordable.  Sonny Colbrelli n’a guère fait mieux sur la course italienne. Il en a peut-être gardé sous la pédale pour préserver des énergies en vue des multiples rendez-vous à venir, mais il faut espérer qu’il ne soit pas déjà cramé après ses excellentes prestations du week-end d’ouverture en Belgique.

A coté de ces maigres résultats, les 5ème et 7ème places d’Alexandr Kristoff lors des deux sprints massifs de Paris-Nice semblent presque être des prestations positives. Mais la course au soleil ne s’est pas déroulée sans encombres pour les colosse norvégien, avec notamment une journée cauchemardesque lors de la 3ème étape qu’il a terminé dernier à 18 minutes du vainqueur. Au terme de cette journée difficile, il a déclaré «Je ne me suis jamais senti aussi mal sur le vélo », ce qui, à 10 jours de la Classicissima n’est pas vraiment de bonne augure. Ceci dit, lors de sa victoire à Sanremo en 2014, Kristoff était arrivé en Italie après avoir seulement obtenu une 4ème et un 6ème place sur Paris-Nice.

Il y a ensuite deux sprinters qui sont plutôt en forme comme Marcel Kittel et André Greipel, mais qui ne semblent pas avoir les capacités pour rester avec les meilleurs dans la Cipressa et dans le Poggio.

Les rares sprinters en forme

Face à cette bérézina, certains sprinters savent qu’ils vont peut-être avoir une chance unique de s’imposer sur la Via Roma si le peloton arrive groupé à Sanremo. On pense évidemment à Elia Viviani qui est avec Dylan Groenewegen le jetman le plus prolifique de ce début de saison. Comme le Néerlandais n’a pas cru en ses chances et ne sera pas présent, Viviani sera sur papier le grand favori en cas d’arrivée au sprint. Il faudra évidemment qu’il soit devant avec les autres, ce qu’il a réussi à faire une seule fois, en 2017, sur quatre participations. Mais le forfait de Gaviria a ôté tout doute quant au leadership chez Quick Step en cas d’arrivée au sprint et la composition de l’équipe avec le train au complet (Keisse, Sabatini, Richeze) semble indiquer que Lefevere croit en les chances de son nouveau poulain. L’autre sprinter qui aura une équipe complète à sa disposition est Arnaud Démare. Le vainqueur de la Primavera 2016 a débloqué son compteur de victoires sur Paris-Nice et a aussi une belle carte à jouer, surtout s’il s’accroche à la voiture dans la Cipressa…

Avec tout ça, il ne faut évidemment pas oublier que le grand favori pour Milan-Sanremo c’est Peter Sagan qui peut mettre tout le monde d’accord en cas d’arrivée au sprint. Mais cette situation inédite quant à l’état de forme des sprinters sera aussi assez intéressante au niveau tactique. En effet, on aurait plutôt tendance à dire que l’absence d’hommes rapides en confiance  va favoriser une course offensive, puisqu’il n’y aura que les Quick Step (et encore, avec Alaphilippe et Gilbert, les solutions alternatives ne manquent pas), Groupama-FDJ et peut-être UAE Team Emirates qui tenteront de cadenasser la course à partir de la Cipressa. Cependant, si les attaquants de tout bord se sentent pousser des ailes, ils pourraient aussi se neutraliser si aucune des offensives n’est assez puissante pour créer une réelle sélection. Car l’attaque fulgurante de Sagan en 2017 ne sera pas facile à rééditer et l’espoir de nombreux fantamanagers de voir un groupe avec les costauds comme Sagan, Kwiatkowski, Alaphilippe, Van Avermaet et Gilbert se disputer la victoire, n’est qu'un scénario comme un autre d'une course qui est finalement la plus imprévisible de toutes.