Peter Sagan a réalisé un bel exploit ce dimanche à Doha en s'imposant au sprint devant Mark Cavendish et Tom Boonen et en conservant son titre de champion du monde. Sagan réalise un exceptionnel doublé au terme d'une course spectaculaire dont il ne fallait surtout pas rater… le début. Car comme prévu, les bordures dans le désert ont été décisives et c'est un groupe réduit d'une vingtaine de coureurs qui s'est disputé la victoire au sprint. Avec cinq coureurs dans le top-7, dont les quatre premiers, c'est la team El Diablo qui remporte le Fanta-championnat-du-monde devant Polska Team et La Gitane.

Les bordures dans le désert devaient être les protagonistes des championnats du monde sur route à Doha et elles l'ont bien été. En effet, il fallait se lever tôt pour voir du spectacle au cours des Mondiaux les plus plats de l'histoire récente du cyclisme. La course s'en en effet jouée à environ 175 kilomètres de l'arrivée, lorsque les équipes belges et britanniques ont profité d'un changement de direction de la route pour durcir la course et créer les redoutées et redoutables bordures. Le peloton a vite explosé en plusieurs groupes et les premiers sprinters piégés se nommaient Caleb Ewan, Arnaud Démare, Marcel Kittel, sans compter une grande partie de l'équipe espagnole et d'autres nations mineures, comme on pouvait s'y attendre. On a vite compris que parmi les hommes forts du groupe de tête se trouvaient Tom Boonen et plusieurs de ses coéquipiers, les italiens, dont les deux leaders Viviani et Nizzolo, ainsi que Mark Cavendish, Alexandr Kristoff, Peter Sagan et Michael Matthews, tous accompagnés de plusieurs équipiers. Les images de la première bordure méritent d'être revues, notamment lorsque on souhaite mieux comprendre les enjeux tactiques d'une course cycliste. L'accélération en tête du peloton, le groupe allongé, le ralentissement d'un coureur qui cré le premier trou, irrécupérable. Un cas d'école! La deuxième grosse bordure a été décisive, puisqu'elle a couté cher à d'autres sprinters favoris comme André Greipel, Nacer Bouhanni, Dylan Groenewegen et Fernando Gaviria, ce dernier étant en plus impliqué dans une chute avec Luke Durbridge et Luka Mezgec, qui l'a définitivement mis hors course.

C'est donc un groupe d'une vingtaine de coureurs qui est entré en tête dans le circuit final, avec un peu moins d'une minute d'avance sur les poursuivants menées par les équipes néerlandaise et allemande. Une minute d'avance à plus de 100 kilomètres de l'arrivée, ça pouvait encore se regrouper, mais c'était sans compter que les hommes forts du jour se trouvaient tous devant. Le travail notamment de Jens Keukeleire, Jasper Stuyven, Olivier Naesen, Daniele Bennati et Matthew Hayman a vite permis au groupe de tête de créer une avance considérable et irrécupérable. A deux kilomètres de l'arrivée, le néerlandais Tom Leezer a tenté de surprendre le groupe de tête en partant seul et on a cru pendant quelques secondes qu'il pouvait créer l'énorme surprise. Mais le sacrifice e Greg Van Avermaet a finalement débouché sur le sprint royal attendu. Le sprint a été logiquement lancé par les équipes belges et italiennes, les plus représentées, mais c'est finalement Peter Sagan qui a été le plus malin et le plus rapide pour s'imposer devant Mark Cavendish et Tom Boonen. Il y avait seulement trois anciens champions du monde au départ de la course. Ils se retrouvent tous les trois sur le podium final! Ce sprint vaut également la peine d'être revu plusieurs fois: Roelandts lance Boonen très tôt, Guarneri les suit pour lancer Nizzolo. A ce moment-là Matthews est idéalement placé dans la roue de Boonen alors que Cavendish et Sagan sont encore loin. Le Slovaque décide de passer entre Nizzolo et les barrières, ce qui pouvait sembler être risqué, alors que Cavendish fonce tout droit mais est légèrement freiné par Matthews. C'est probablement cela qui lui coute son deuxième titre de champion du monde, alors que Peter Sagan a encore une fois montré que ses talents de pilotage et sa pointe de vitesse peuvent lui offrir des victoires sur tous les terrains. La boucle est bouclée pour Sagan qui aura prouvé au cours des douze derniers mois qu'il est tout simplement le plus grand champion de l'histoire récente du cyclisme. Après son titre mondial à Richmond qui lui avait permis de clôturer en beauté une saison en demie teinte, Sagan a gagné tout ce qu'il devait gagner: Gand-Wevelgem, le Tour des Flandres, le maillot vert et trois victoires d'étape sur le Tour, le championnat d'Europe et finalement, le championnat du monde. Il sera évidemment difficile de répéter une saison aussi extraordinaire avec à nouveau le maillot arc-en-ciel sur les épaules, mais il lui reste encore de belles courses à accrocher à son palmarès.

Coté regrets, on pourra remarquer que les belges et italiens ont finalement peu récolté par rapport au travail fourni. C'est eux qui devaient durcir la course, ils l'ont fait, mais finalement pour rien, ou presque. Van Avaermaet n'a pas tenté d'attaquer dans le final, ce qui aurait pu changer la donne. Mais probablement que GVA avait n'avait plus les meilleures jambes au terme d'une longue et belle saison (n'est pas Sagan qui veut) et la Belgique s'est contentée de jouer la carte Boonen. Quant aux italiens, on savait qu'ils n'avaient pas les hommes les plus rapides, mais si Viviani avait pu se mettre dans le train et faire le dernier homme de Nizzolo, le résultat final aurait pu être différent et rapporter plus qu'une cinquième place finale. On notera aussi qu'Alexandr Kristoff a finalement été le seul grand leader à ne pas faire honneur à son rang, puisque le Norvégien a carrément fini derrière son équipier Boasson-Hagen pour offrir à la Norvège des sixième et septième places quelque peu décevantes.

Quoi qu'on en dise, ces championnats du monde au Qatar ont été très spectaculaires et ont montré ce que le cyclisme peut offrir de mieux. On a beau être contre la marchandisation du sport, contre l'organisation d'évènements sportifs afin de promouvoir des pays riches mais à l'éthique douteuse, ces championnats du monde ont été bien plus intéressants à suivre que les dernières éditions où tout s'est joué sur la dernière bosse du dernier tour d'un circuit quelconque. Espérons que cela serve de leçon aux organisateurs des prochaines éditions qui se dérouleront dans des pays plus "cyclistiquement corrects".

Et le Fantacyclisme dans tout ça? Et bien la course de Doha nous a offert un beau champion du monde en la personne du bien-nommé El Diablo. Un Mondial pour sprinters, ça pouvait ressembler à une loterie. On pouvait prendre 4-5 leaders alors qu'il y avait 7 ou 8 premiers choix. Il fallait justement faire des choix et c'est là que El Diablo a finalement gagné la course: il a limité ses choix. Choisir entre Kittel ou Greipel, Démare ou Bouhanni, Nizzolo ou Viviani? Non, El Diablo a eu le flair de ne prendre aucun de ces favoris pour se limiter aux valeurs sures que sont Sagan, Cavendish, Boonen, Kristoff et Matthews. C'est surtout ce dernier qui a fait la différence, puisque El Diablo a été le seul à l'associer au quatuor de spécialistes de classiques évident et c'est l'Australien qui a fait la différence pour le Diable face à ses dauphins Polska Team et La Gitane. Ne jamais sous-estimer la hargne d'un cowboy australien dans une compétition mondiale…

Polska Team peut nourrir quelques regrets, mais se contente finalement d'une belle deuxième place. Avec Sagan, Cavendish, Boonen, Kristoff et Van Avermaet il avait augmenté ses options et pouvait espérer un scénario différent dans le final. Mais le sprint entre les meilleurs ne lui a laissé aucune chance. Si près du but… Dommage. Si seulement quelqu'un lui avait vanté les capacités de Nizzolo avant la course…

Quant à la Gitane, elle confirme son excellente saison qui l'a vue remporter la Fantaleague en montant une nouvelle fois sur le podium. Le choix de multiplier les flèches à son arc en prenant six favoris, en l'occurrence Sagan, Cavendish, Boonen, Kristoff plus Gaviria et Degenkolb aurait pu être le bon, mais les bordures du désert en ont décidé autrement.

Si le calendrier cycliste offrira encore quelques courses sans intérêt dans des pays "émergents", la saison fantacycliste se termine ici. On sait qui portera le maillot de leader de la Fantaleague lors de la prochaine course, on connait le diable qui s'habillera avec le fanta-maillot-arc-en-ciel au cours de l'année 2017. On sait surtout qu'il faudra attendre quatre mois pour enfin se replonger dans les stats, dans les analyses, dans les pronostics, découvrir des pépites, prendre des risques, les rater, avoir d'énormes espoirs, d'énormes déceptions. Bref retrouver les joies du fantacyclisme. Bonne trêve à tous et rendez-vous au Nieuwsblad en février.

Comments

Bravo au Diablo, jolie récompense. Et encore une fois, merci à toute l'équipe. Pas facile d'émerger parmi tous ces spécialistes, mais c'est justement ce qui pousse à s'améliorer. Longue vie au Fantacycling.

Super article ça.. Le coup des bordures, je l'ai pas vu.. un lien you tube peut être?? En tout cas, merci pour toutes ces explications tactiques... Surtout celle concernant l'arrivée..
Et sinon, à titre personnel, que dire.. vice-champion.. :-) Ca fait plaisir.. Certains ont murmuré que si j'avais été champion, j'aurais été intenable..limite insolent.. voire chiant... Je crois aussi :-)

Bravo au champion et à ses dauphins. Et merci à toute l'équipe qui organise ce jeu passionnant. A l'année prochaine pour la découverte de courses inconnues dont les noms font rêver...

Ahh, enfin me voilà sur la plus haute marche du podium avec le maillot arc-en-ciel en prime! Ca fait plaisir.
A noter que j'ai commencé la saison en plaçant 5 gars dand le top-5 du Nieuwsblad et je termine en plaçant 5 gars dans le top-7 des Mondiaux. C'est entre ces deux courses qu'il y a eu quelque chose qui n'a pas trop fonctionné... La diablo team travaillera dur pendant la trève pour régler cela... A l'année prochaine!