Le mercato d’intersaison dans le cyclisme est surement moins passionnant à suivre que dans le foot : pas de chiffres exorbitants, pas de record battu d’année en année, pas feuilleton ni de drame, surtout que tous les transferts se négocient à l’abris des regards, pendant le mois d’août, alors que la saison est loin d’être terminée. Cette année, le mercato cycliste a cependant offert plus de changements de taille que d’habitude. Plusieurs grands noms ont troqué de tunique et surtout, un nombre incalculable de lieutenants ou semi-leaders ont décidé de changer d’air pour tenter de franchir un nouveau cap ou relancer une carrière stagnante.

Pour y voir clair avant le début des courses, Fatacycling.com vous offre une petite analyse, par ordre alphabétique, des principaux transferts de la saison. Troisième épisode, de M à P.

Dan Martin

Il quitte Quick Step pour UAE Team Emirates.

Coureur sympathique et généreux dans l’effort, Dan Martin semble avoir franchi un nouveau palier lors du Tour cet été. S’il a une nouvelle fois bien figuré dans les catégories “poisse et chutes”, il nous a épatés en terminant la course à la 6ème place avec deux vertèbres fêlées et en faisant le spectacle sans trop calculer. De quoi confirmer son potentiel et continuer sa progression depuis son époque Garmin, puisqu’il s’est vu décerner un rôle de leader chez UAE Emirates aux ambitions pharaoniques pour 2018.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Concernant ses ambitions sur les courses d’un jour, Dan Martin a déjà prouvé chez Quick Step qu’il peut partager le leadership et s’imposer. La cohabitation avec Ulissi ou Rui Costa ne devrait pas lui poser de grands problèmes. Mais surtout, si Dan a signé chez UAE, c’est pour être épaulé par une équipe vouée à sa quête de podium sur le Tour. Il intègre une nouvelle formation qui a clairement affiché des ambitions et des moyens. Pour lui c’est la progression de carrière tant attendue, à lui maintenant de faire honneur à ses nouveaux galons en ajoutant le leadership à son indéfectible grinta.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Ces deux dernières années chez Quick Step, Dan Martin a souvent dû composer avec d’autres leaders, son directeur sportif Lefevere abordant les courses de trois semaines avec une équipe versatile faisant la part belle aux victoire d’étapes. Cette configuration pouvait encore convenir à Dan Martin qui a d’ailleurs tenu un discours similaire en son temps, abordant les grands tours comme “21 classiques”. Si ses ambitions sont aujourd’hui revues à la hausse, on n’est malheureusement pas sûr que le changement de tunique modifie la donne. Le principal problème est que le géant Emirati a recruté en masse et semble vouloir capitaliser ses investissements dans la vitrine mondiale du prochain Tour de France. Si Aru semble promis au Giro, il se pourrait que UAE aligne finalement à la fois Martin, Aru et Kristoff. Ce scénario pourrait aussi se produire si Aru devait quitter le Giro prématurément et revoir ses objectifs… et pour rajouter un zest de méfiance, certaines mauvaises langues craignent déjà la main invisible d’une “Italian connection” dans une équipes où le directeur sportif et plus de la moitié des coureurs sont transalpins… ça ne veut rien dire à priori, mais si d’aventure Martin et Aru connaissaient quelques frictions ou guerre d’ego, il se pourrait que la “chemistry” de l’équipe ne tourne pas nécessairement à son avantage…

Chances de réussite : ***

Dan McLay

Il quitte Fortuneo pour Education First - Drapac (ex Cannondale).

Après l'Italien Sacha Modolo, Cannondale s'est offert un autre sprinteur pour la saison prochaine en la personne du Britannique Dan McLay. Pour celui qui avait signé un début de saison tonitruant en 2017, rejoindre enfin une équipe World Tour est un réel pas en avant. A 25 ans, le tout récent vainqueur du Tour de l’Eurométropole souhaite également  briller sur les Classiques aux côtés, notamment, du spécialiste de l’équipe, Sep Vanmarcke.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Ancien pistard, Dan Mc Lay a forcément le gabarit qui va avec et, son arrivée chez Cannondale est assurément une bonne chose pour ce Néo-Zélandais d’origine qui aime les Classiques et les pavés. Dan est un gros talent, il est jeune et il devrait pouvoir trouver cette année des terrains de jeux plus conformes à ses qualités. Cannondale a le bon patrimoine génétique pour satisfaire tous les souhaits du bonhomme qui pourrait définitivement voir décoller sa carrière dans une équipe présente tout au long de la saison au contraire de Fortuneo où il n’avait que peu d’occasions de briller au grand jour.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Chez Fortuneo, Dan avait plutôt les coudées franches. Cette année, aussi bien au sprint sur les courses de plusieurs jours que sur les classiques, il va devoir de frotter à des co-équipiers au pédigrée nettement plus ronflants que dans sa précédente équipe. Avec des Vanmarke, Van Asbroeck, Woods et autres Phinney à ses côtés, il ne sera plus que très rarement la seule tête d’affiche d’une équipe américaine où le sprint n’a, en plus, jamais vraiment fait loi. Qui plus est, Sacha Modolo a également été engagé pour effacer ces lacunes et débarque au même moment. Ce qui forcément lui compliquera la donne et ne pourrait faire très vite de lui qu’un simple faire-valoir. La tâche ne sera donc pas simple pour Mc Lay qui, s‘il veut arriver à ses fins, va rapidement devoir de mettre en évidence sous peine de tomber dans un certain anonymat qu’on ne lui souhaite pas.

Chances de réussite : **

Louis Meintjes

Il quitte UAE Team Emirates pour Dimension Data.

L'équipe MTN a entre-temps changé de nom, mais c'est bien en Afrique du Sud que va revenir Louis Meintjes en 2018. Le petit grimpeur Sud-Africain, huitième des deux derniers Tours de France, a paraphé cet été un contrat avec Dimension Data qui signe donc son retour au bercail, deux ans à peine après l’avoir quitté. A tout juste 25 ans, Louis revient à ses premiers amours et pourrait voir sa carrière prendre enfin son envol. Après avoir posé ses valises en Italie et aux Emirats, c’est en tout cas, tout le mal qu’on lui souhaite.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Louis Meintjes est un coureur naturellement doué et ambitieux et, après avoir terminé de manière fort consistante la saison 2017, nul doute que cette année risque bien de voir le Sud-Africain gravir encore quelques marches vers les sommets. Habitué à se débrouiller seul, plutôt attentiste et calculateur, Meintjes a le sens de la course et du talent à revendre. Certes, il est encore jeune mais, qui sait si ce retour aux sources ne pourrait pas définitivement lancer sa plus que prometteuse ascension et le voir devenir le premier champion africain à monter sur un podium de Grand Tour.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Habituée depuis 2015 à bien figurer sur les Grands Tours avec des coureurs tels que Fraile, Cavendish ou encore Boasson Hagen, Dimension Data reste tout de même plus une équipe de coups d’éclats que de succès au long cours. Sa vocation première est finalement avant tout de promouvoir le cyclisme en Afrique… Remporter des courses n’est quelque part que du bonus pour une équipe qui se construit pas à pas et dont les ambitions sont loin d’être démesurées. Pour Louis, qui est plus porté vers les grands Tours, le pari est donc risqué. Il n’aura en effet, comme souvent, que peu de soutien et ses errances en contre-la-montre risque bien de ne pas l’avantager dans sa quête de victoires. Les arrivées de Slagter et Vermote pourraient lui être d’une grande aide même si on est loin de les imaginer bousculer tout sur leur passage.

Chances de réussite : ***

Sasha Modolo

Il quitte UAE Team Emirates pour Education First – Drapac (ex Cannondale)

Après quatre saisons chez Lampre/UAE et une carrière de sprinter quelque peu stagnante, Sasha Modolo tente une nouvelle aventure dans l’équipe de Jonathan Vaughters. Un choix qui peut paraître surprenant, mais peut-être pas trop mauvais.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Sasha Modolo a montré qu’il est un coureur très régulier au cours de la saison et qu’à défaut de remporter beaucoup de courses, il garantit un nombre important de bons résultats et de points World Tour. Il a donc le profil parfait pour être envoyé aux quatre coins du globe et montrer le maillot du nouveau sponsor lors des nombreuses arrivées au sprint en Australie, au Moyen Orient, en Europe de l’Est ou en Amérique. En plus, Modolo a probablement compris qu’il devra faire autre chose que sprinter s’il veut réussir la deuxième partie de sa carrière. Il a montré de bonnes choses lors des classiques flandriennes en 2017 et entouré de spécialistes comme Van Marcke, Langeveld, Phinney ou Breschel, il pourra progresser sur le pavés et, qui sait, peut-être faire un gros coup.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Jusqu’aujourd’hui, la carrière de Modolo s’est entièrement déroulée dans des équipes italiennes ou dirigée par des italiens. Quitter la Mamma pour rejoindre une équipe à forte connotation anglo-saxonne ne sera pas simple. Il ne sera plus protégé, ni par ses mentors, ni par ses équipiers, ni par la presse. Il devra sortir ses attributs pour trouver sa place et montrer ce qu’il sait faire. Il y en a plus d’un qui se sont plantés dans ces conditions.

Chances de réussite : **

Daniel Oss

Il quitte BMC pour Bora Hansgrohe.

A 30 ans et après six saisons chez BMC, le grand blond frisé change de cap et renforce le rooster de l’équipe Bora. Un changement un peu décevant pour les nombreux fans du colosse de Trento, puisqu’après avoir servi loyalement le meilleur coureur de classiques en activité, à savoir Greg Van Avermaet, Oss va devoir servir loyalement l’autre meilleur coureur de classiques en activité, à savoir Peter Sagan. Y trouvera-t-il une petite place pour les ambitions personnelles ?

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Daniel Oss n’a pas été engagé chez Bora pour gagner des courses mais pour épauler Peter Sagan dans les classiques du Nord. Si Sagan gagne, Oss aura rempli sa part du contrat. Facile. Il sera aussi un atout majeur pour les contre-la-montre par équipe dans les tours, ce qui aidera les leaders grimpeurs comme Majka, Formolo ou König. Mais on pourrait espérer plus de la part d’un des talents le plus sous-exploité de sa génération. Peter Sagan a un côté « grand prince » absent chez le rustre flamand Van Avermaet. Si les choses tournent bien pour le champion du monde dans les premières courses, il pourrait laisser sa chance à Oss, voir, encore mieux, l’aider à remporter une classique. Oss sera aussi le deuxième choix chez Bora si Sagan est mis hors-jeu sur des fait de courses, comme au printemps 2017. Les deux coureurs se connaissent bien, ils ont passé trois années ensemble chez Liquigas entre 2010 et 2012. C’est au cours de cette période qu’Oss à remporté les deux seules courses de sa carrière, dont une, le Giro del Veneto 2010, offerte par Peter Sagan après une attaque à deux dans les derniers kilomètres. Ces retrouvailles pourraient ramener le goût de la victoire au rouleur italien.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Le goût de la victoire, c’est un peu ce que Daniel Oss a perdu au cours des six années passées chez BMC. Grand rouleur et travailleur fidèle, il a lentement oublié qu’il était un excellent sprinter à ses débuts et est peut-être passé à côté d’un palmarès plus garni. Oss ne prend pas beaucoup de risques en faisant le gregario de luxe de Peter Sagan. Il montre probablement un certain manque d’ambition personnelle, voir un manque de confiance en ses propres moyens. Cela peut en décevoir certains, mais est finalement assez cohérent avec son parcours.

Chances de réussite : **

Domenico Pozzovivo

Il quitte AG2R pour Bahrein-Merida.

A 35 ans, Domenico Pozzovivo s’en va rejoindre ses comparses transalpins Nibali, Gasparotto, Colbrelli, Pellizzotti, Visconti et d’autres, et tourne ainsi la page AG2R.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe: Pozzovivo a prouvé lors du dernier Giro qu’il en avait encore sous la pédale, et le temps presse sans doute pour lui de bien figurer à la tête d’une équipe compétitive sur un grand tour. Bahrein-Merida lui a sans doute déjà promis le leadership sur le prochain Giro, et devrait également lui apporter davantage que AG2R autour de la botte... c’est en tout cas ce que laissent penser les débuts prometteurs et l’effectif bien fourni de l’équipe du prince Al-Khalifa. Outre ces aspects purement sportifs, quelques biftons du Barhein pour enfin reparler italien tous les jours, c’est une proposition qu’on ne peut refuser.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe: on a quelque peu l’impression que notre grimpeur de poche ne prend pas énormément de risque pour ce qui est probablement la dernière étape de sa carrière. Rester chez AG2R n’aurait pas offert plus de garanties de succès. Peut-être même lui a-t-on montré la sortie pour faire de la place aux jeunes pousses françaises comme Pierre Latour. Donc au final, tant qu’il ne critique pas le régime bahreïnien, on ne voit pas très bien ce qui peut lui arriver... à moins qu’il n’y arrive tout simplement plus... 

Chances de réussite : **

 

 

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