La 101ème édition du Giro d'Italia démarre ce vendredi avec le contre-la-montre individuel dans les rues de Jérusalem. Un début de tour accompagné, à juste titre, de quelques polémiques liées au lieu de départ et à l'affaire Froome. Les organisateurs du Giro voulaient augmenter la visibilité de leur épreuve et s'approcher de l'événement mondial qu'est le Tour de France. Vu le nombre de journalistes présents en Israël et l'attention médiatique que ce grand départ inédit va engendrer, c'est plutôt réussi pour RCS et Mauro Vegni. C'est juste dommage que les analyses du parcours atypique et très technique du contre-la-montre initial et les chances de maillot blanc de Fausto Masnada, par exemple, ne soient que des sujets secondaires de ce grand show médiatique qui fait uniquement plaisir aux sponsors. Mais nous, on préfère parler de braquet et du pourcentage moyen des cols. Voici donc une présentation de la course. 

Le parcours

Disons-le d'entrée de jeu, le parcours du Giro 2018 n'est pas le plus excitant. Au contraire, il manque clairement d'équilibre et avec ses sept arrivées au sommet auxquelles on peut rajouter quatre arrivées sur des montées ou bosses non répertoriées, il ressemble plus à un parcours de Vuelta. D'autant plus que les kilomètres contre le temps sont relativement limités et se concentrent dans le CLM de 34 kilomètres pour purs rouleurs qui ouvre la dernière semaine de course. Comme en Espagne... Les organisateurs du Giro nous avaient habitués à plus d'originalité ces dernières années, mais peut-être était-ce le prix à payer pour convaincre Chris Froome de participer à la course rose. On aurait quand même préféré une ou deux arrivées en bas d'une descente, plus de passages au-delà des 2000 mètres et au moins un "tappone" de montagne supplémentaire plutôt que toutes ces étapes plus ou moins plates avec une arrivée en montagne, comme celle de l'Etna (6ème),  de Montevergine (8ème) ou de Prato Nevoso (18ème). Et malgré toutes ces arrivées au sommet,  le parcours du Giro ne semble pas très difficile. Alors certes, l'Etna se montera par le versant le plus dur, le Monte Zoncolan avec ses 10 kilomètres à du 12% de moyenne est considéré la montée la plus difficile d'Europe et le spectaculaire Colle delle Finestre et ses 9 kilomètres de route non asphaltée feront très mal aux jambes, voir au moral, mais la plupart des autres cols que le peloton affrontera, notamment lors des arrivées à Montevergine, Sappada, Prato Nevoso e Cervinia, sont relativement roulantes, avec des pentes rarement à double chiffre. Bref, des montées où on risque de voir le train Sky dicter l'allure en utilisant le grand plateau...

Les occasions pour les sprinters ne manqueront pas. Il y en aura six ou sept, dont les deux étapes en ligne en Israël, mais à moins de faire un très bon contre-la-montre au premier jour, on verra difficilement un jet-man endosser la tunique rose en début de tour. Ceux qui pourraient par contre prendre la tête du général en première semaine, ce sont les baroudeurs. Les deux premières étapes en Sicile semblent parfaites pour une échappée au long cours et comme les écarts ne seront pas encore importants à ce moment-là, il y aura un beau coup à jouer. Au pire des cas, les baroudeurs auront d’autres possibilités de s’illustrer, avec comme souvent en Italie, plusieurs étapes de moyenne montagne difficilement contrôlable par un peloton. Le problème c'est qu'il est souvent plus difficile de deviner qui sera dans la bonne échappée et capable d’y rester que d'annoncer le podium final de la course.

Les favoris pour le maillot rose

Les réels favoris pour la victoire finale se comptent sur les doigts d’une main. Les deux noms les plus cotés sont évidemment ceux de Chris Froome et de Tom Dumoulin. Les deux coureurs qui ont dominé les tours de trois semaines en 2017 peuvent compter sur les deux contre-la-montre pour prendre au moins deux minutes aux purs grimpeurs, ce qui les place en grands favoris pour la victoire finale et ce qui pourrait d’ailleurs nous offrir un beau duel entre coureurs au profil similaire. Mais c’est loin d’être gagné d’avance. La Team Sky vient en Italie pour gagner et la présence d’un équipe solide autour du Kenyan blanc en est la preuve. Mais les hommes de Dave Brailsford n’ont jamais brillé au Giro et leur leader désigné a rarement terminé la course. Quant à Tom Dumoulin, son début de saison a plutôt été décevant et on ne sait pas encore si le Hollandais volant est capable de répéter une saison exceptionnelle comme celle de l’an dernier. Avec son maillot de champion d’Italie, Fabio Aru porte les espoirs de tout un pays sur ses épaules. Le Sarde doit prouver qu’il est encore capable de lutter pour la victoire sur un tour de trois semaines, ce qu’il n’a pas fait depuis sa victoire sur la Vuelta en 2015. C’est probablement le bon moment et même si ses résultats au printemps n’ont pas été exceptionnels, il a géré sa préparation afin d'être au top de la forme lors de la terrible troisième semaine. Vu sa baisse de régime en fin de Tour 2017, c’est probablement la bonne stratégie, mais encore faut-il qu’elle fonctionne comme prévu. L’autre grimpeur qui pourrait chambouler les plans des deux grands favoris, est Thibaut Pinot. Le Français a beaucoup moins de pression que ses adversaires. Il n’est pas le vainqueur sortant, il ne vise pas un troisième succès consécutif sur un grand tour, il ne porte pas le maillot de champion d’Italie… On parle très peu de lui alors qu’avec sa victoire au Tour des Alps, il est le seul à se présenter au départ avec un succès important dans la besace. On sait que cette situation convient à la perfection au poulain de Marc Madiot et avec ses capacités de bien sprinter dans les derniers mètres des arrivées en côte, il pourrait grapiller des secondes à droite et à gauche. Reste à savoir où il en est dans l’exercice individuel qui risque encore d’être décisif et qui lui a coûté le podium l’an dernier. Un contre-la-montre qui sera aussi le point faible des autres prétendants à la victoire finale que sont les deux colombiens Esteban Chaves et Miguel Angel Lopez. S’ils sont au top de leur forme, les deux grimpeurs pourront faire très mal en montagne, mais Chaves doit redevenir celui qu’il était en 2016 et Lopez aborde son premier grand tour en tant que leader et devra prouver qu’il peut tenir sur trois semaines. Derrière eux, les prétendants au top-5 ou top-10 ne manquent pas. De Domenico Pozzovivo à Simon Yates, en passant par George Bennet, Rohan Dennis, Nicolas Roche, Michael Woods, Davide Formolo, Louis Meintjes voir Carlos Betancur, Alexandre Geniez, Tim Wellens ou Ben Hermans. Mais on voit mal comment ces coureurs pourront lutter pour une place sur le podium final. Et si on pense que certains d’entre eux vont craquer, abandonner ou revoir leurs objectifs à la baisse en cours de route, il pourrait y avoir des places à prendre dans le top-10 final. Des places qui pourraient aussi être prises par des lieutenants de luxe des leaders, comme Woet Poels, Sergio Henao, David De la Cruz ou Mikel Nieve.

Les favoris pour les autres maillots

Parmi les maillots secondaires, deux semblent avoir un seul réel prétendant : Elia Viviani pour le maillot ciclamino du classement à points et Miguel Angel Lopez pour le maillot blanc du meilleur jeune. Viviani est plus ou moins le seul sprinter de classe mondial au départ du Giro. On peut d’ailleurs regretter qu’aucun autre grand nom du sprint n’ait voulu faire le déplacement. Il y aura certes un peu de bagarre avec des Sasha Modolo, Sam Bennett, Danny Van Poppel, Andrea Guardini ou Jakub Marezko, mais les Quick-Step sont venus avec une équipe entièrement au service de Viviani qui pourrait bien faire une razzia sur les étapes de plaine.

Miguel Angel Lopez est quant à lui le grand favori pour le maillot blanc. S’il termine le Giro, on voit mal qui pourrait l’en empêcher, à part peut-être Sam Oomen, qui devra cependant travailler pour Dumoulin. Giulio Ciccone, Niklas Eg, Fausto Masnada, Richard Carapaz, Maximisant Schachmann ou Matjec Mohoric sont tous en forme et devraient aussi avoir les qualités pour lutter pour un podium au classement des jeunes, mais leurs objectifs sur ce Giro pourraient se limiter à chercher des victoires d’étape.

Le maillot le plus indécis, c’est le maillot bleu du roi de la montagne. Le classement du meilleur grimpeur devient souvent un objectif de substitution pour un leader qui est coupé de la lutte pour le général ou un objectif surprise pour un baroudeur qui était dans le bon coup dans une étape de moyenne montagne. Mais vu le nombre élevé d’arrivées au sommet, le maillot bleu pourrait simplement être destiné aux grands leaders qui se livreront la bagarre dans les derniers cols.

En conclusion, on peut dire que cette édition du Giro ne s’annonce pas comme la plus palpitante. Un parcours peu original, deux ultra-favoris, peux de sprinters et beaucoup de leaders qui arrivent au départ sans réelles certitudes. Mais le Giro nous réserve toujours des surprises et nul ne doute qu’on s’enflammera dès qu’un grimpeur latin tentera de foutre le bordel dans cette course que certains souhaiterons cadenasser.