Le mercato d’intersaison dans le cyclisme est surement moins passionnant à suivre que dans le foot : pas de chiffres exorbitants, pas de record battu d’année en année, pas feuilleton ni de drame, surtout que tous les transferts se négocient à l’abris des regards, pendant le mois d’août, alors que la saison est loin d’être terminée. Cette année, le mercato cycliste a cependant offert plus de changements de taille que d’habitude. Plusieurs grands noms ont troqué de tunique et surtout, un nombre incalculable de lieutenants ou semi-leaders ont décidé de changer d’air pour tenter de franchir un nouveau cap ou relancer une carrière stagnante.

Pour y voir clair avant le début des courses, Fatacycling.com vous offre une petite analyse, par ordre alphabétique, des principaux transferts de la saison. Deuxième épisode, de F à L.

Davide Formolo

Il quitte Cannondale pour Bora Hansgrohe.

A 25 ans, Davide Formolo quitte Cannondale pour une equipe qui, tout comme lui, va tenter de faire fructifier des débuts prometteurs. En espérant que soient derrière lui ses ennuis de santé qui l’ont hanté depuis sa belle 10ème place au Giro 2017.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe: BORA a recruté finement à l’intersaison et offre désormais un noyau renforcé avec les arrivées de Oss, Kennaugh, et donc Davide Formolo. De quoi jouer un rôle intéressant tout au long de l’année. Formolo aura clairement une carte à jouer dans les classiques ardennaises et pourra continuer à grandir aux côtés des maintenant expérimentés Majka et König, avec probablement à la clé des ambitions personnelles sur un grand tour. Autre atout non négligeable, le plus gros de la pression de résultats reposant sur Peter Sagan, BORA semble avoir les ambitions et la trajectoire idéale pour un jeune talent, comme en témoigne la bonne santé d’Emanuel Buchmann. Enfin, Majka et König n’offrent que peu de garanties de résultat sur un grand tour: si Formolo est en feu on pourrait bien lui laisser sa chance.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe: A 25 ans, Formolo a collecté deux tops 10 de grands tours, suit les meilleurs en montagne mais voit nécessairement les premières places s’éloigner quand viennent les contre-la-montre. Peut-il faire mieux qu’un top 10 dans ces conditions? Formolo doit progresser et convaincre, car outre Majka et König, BORA se tournera peut-être vers d’autres noms la saison suivante pour étoffer ses ambitions au général. Ou miser sur d’autres jeunes prometteurs comme Buchmann. Une mauvaise saison pourrait rendre sa trajectoire difficile, rangeant la pépite dans le tiroir à lieutenants.

Chances de réussite : *

Tony Gallopin

Il quitte Lotto Soudal pour AG2R.

Retour au pays pour Tony qui quitte, après quatre années de bons et loyaux services, une équipe Lotto où l’on attendait peut-être un petit peu plus du talentueux puncheur. Souvent proche de la victoire mais rarement gagnant, si ce n’est la Clasica San Sebastian en 2013, le français vient renforcer l’équipe de Vincent Lavenu avec deux objectifs très clairs : Aider Romain Bardet sur le Tour et jouer sa carte personnelle sur les courses d’une semaine. Sans oublier les Classiques évidemment où Gallopin aime toujours à se montrer sous son meilleur profil et où il sera d’une aide précieuse pour Oliver Naesen.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Avec Naesen et Gougeard voire Vandenbergh, il dispose d‘équipiers capables de jouer la gagne au printemps et son rôle de lieutenant, qu’il maîtrise à la perfection, devrait ouvrir de nouvelles perspectives à son équipe. Capable de briller sur de nombreux terrains, il pourrait même s’offrir, à 29 ans, une nouvelle jeunesse dans des courses qu’il connaît par cœur. C'est un coureur d'expérience, qui possède, hormis ses qualités de puncheur, d‘excellentes aptitudes de rouleur et, cerise sur le gâteau, il peut aller très loin dans la montagne. Ce qui devrait indéniablement être une arme supplémentaire pour aider Bardet à combattre la machine SKY en juillet. Et quand on sait que Paris-Nice fait partie de ses courses favorites, ses chances de réussite chez AG2R se présentent sous les meilleurs auspices.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : On ne peut pas vraiment dire qu’AG2R ait une véritable culture de la gagne. Avec seulement deux succès World Tour cette année, il est assez rare de voir un coureur aux couleurs bleues et blanches lever les bras. Plus habitués à jouer les seconds rôles, fort brillamment néanmoins, entre autre sur le Tour ou encore dans les verts pâturages flandriens, il serait tout de même étonnant que les protégés de Lavenu défraient tout d’un coup la chronique et se mettent à engranger succès sur succès. Qui plus est, même si AG2R évolue en World Tour depuis quelques années, son noyau reste relativement limité au niveau qualitatif et ce ne sont pas les arrivées conjointes de Venturini, de Dillier et de Paret-Peintre qui risquent de changer fondamentalement la donne.

Chances de réussite : **

Andrea Guardini

Il quitte UAE Team Emirates pour Bardiani.

Après une tentative ratée de relancer sa carrière sous le ordres de Giuseppe Saronni, Andrea Guardini retourne dans une équipe professionnelle pour remplacer le sprinter banni Nicola Ruffoni chez Bardiani. Clairement la tentative de la dernière chance pour le sprinter italien.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Chez Astana et UAE, Guardini a montré qu’il n’était pas taillé pour le World Tour. Un retour en deuxième catégorie pourrait lui faire du bien, avec des courses et une concurrence plus abordables. Il aura sa place presque assurée pour le Giro, ce qui lui donnera une belle occasion de renouer avec le succès sur la course rose six ans après avoir battu Mark Cavendish lors d’un sprint qui reste pour l’instant le point culminant de sa carrière.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Tout simplement parce qu’Andrea Guardini s’est planté chaque année depuis qu’il a quitté la Farnese Vini en 2012. Il est passé du grand espoir du sprint transalpin au roi des mauvais plans, juste bon à faire des placettes sur le Tour du Langkawi mais incapable d’être compétitif dans un sprint de haut niveau. Puisque ce ne seront pas les jeunes « rookies » de Bardiani qui réussiront à le placer dans les meilleures conditions pour sprinter, Guardini devra se débrouiller seul, suivre le rythme effréné du peloton dans les derniers kilomètres, jouer des coudes pour ne pas perdre sa position, prendre la bonne roue dans la dernière ligne droite… Bref, tout ce qu’il ne sait pas faire.

Chances de réussite : *

Nathan Haas

Il quitte Dimension Data pour Katusha Alpecin.

Après une saison en demie teinte, avec un excellent début et une deuxième moitié très décevante, Nathan Haas arrive chez Katusha par la grande porte. Une porte peut-être un peu trop grande pour ses maigres épaules.

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : L’Australien a montré qu’il sait grimper et sprinter, bref, qu’il a le profil parfait pour être un bon coureur de classiques ardennaises. Il sera d’ailleurs le seul atout de l’équipe pour les courses vallonnées d’un jour. Il a acquis de l’expérience sans perdre son punch et pourrait franchir un nouveau palier cette année.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Nathan Haas semble arriver chez Katusha avec un léger excès de confiance. D’après ses déclarations, il semble penser que l’équipe suisse va enfin avoir le coureur de classiques ardennaises qu’elle n’a jamais eu. Sauf que Haas n’a encore rien gagné et qu’il est loin d’être parmi les meilleurs puncheurs du peloton. C’est lui qui a besoin de l’équipe plutôt que le contraire. S’il ne le comprend pas rapidement, il risque d’aller droit dans le mur.

Chances de réussite : *

Jens Keukeleire

Il quitte Orica Scott pour Lotto Soudal.

Retour au pays pour Jens Keukeleire après une longue aventure chez Orica qu’il termine par une excellente année 2017 ! A 29 ans Jens pourrait être un des hommes à surveiller en 2018 si son intégration chez Lotto se déroule bien. 

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : A l’instar de Campenaerts, Keukeleire arrive chez Lotto au bon moment. Avec l’ambition de la team Belge de briller sur les classiques et le calendrier Belge, Keukeleire semble être une arme de choix et dans une structure expérimentée et solide, il pourrait tout simplement exploser pour enfin se révéler comme un grand winner.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : La concurrence semble très relevée au sein de sa propre équipe. Keukeleire sera barré au sprint par Greipel ou Debusscher voire Hofland et comme électron libre, Lotto compte en ses rangs des coureurs comme Benoot, Wallays ou encore Debuyst... Autant dire qu’il faudra être à 200% et ne pas se faire d’ennemis afin de bénéficier de conditions très favorables pour s’illustrer. Si on pense en plus aux campagnes de classiques ratées de Lotto ces dernières années, on se dit que si la tendance ne change pas, Keukeleire risque de couler avec son nouveau maillot plutôt que le mettre sur orbite.

Chances de réussite : **

Alexandr Kristoff

Il quite Katusha pour UAE Team Emirates

Alexander Kristoff sort d’une année moins flamboyante que les précédentes. Il a sauvé sa saison en glanant le maillot de champion d’Europe, mais fut sinon bien en de ça de la légendaire puissance qui lui avait permis de briller aussi bien sur des sprints massif de purs Jetmen que sur des monuments face aux champions des classiques. Son transfert peut-il le relancer ? 

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Chaque cycliste connaît des années moins bonnes, mais sur la fin de saison dernière, Kristoff a retrouvé ses mollets de conquérant et prouvé qu’il est un des coureurs le plus régulier du peloton. Le Viking est un guerrier, il n’a peur de rien et se lance dans toutes les batailles. Il devrait logiquement et naturellement faire honneur à son nouveau maillot dans une équipe UAE dont il sera le principal atout pour les sprints comme sur les classiques. En plus, Kristoff vient d’avoir 30 ans et entre peut-être dans ses meilleures années en tant que coureur de classiques.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Si Kristoff pouvait compter sur une armada Katusha bien huilée et entièrement dévouée à sa cause, il risque d’être un peu esseulé dans une team UAE qui semble plus formée de semi-vedettes que d’équipiers modèles. En outre, l’équipe manque un peu d’expérience en ce qui concerne les classiques, avec comme seul lieutenant chevronné un Marco Marcato vieillissant. Kristoff risque vite de se rendre compte qu’il était bien mieux dans son ancienne écurie.

Chances de réussite : **

Marcel Kittel

Il quitte Quick-Step pour Katusha Alpecin. 

Après une excellente saison, le départ de Marcel Kittel vers la team Katusha Alpecin en a surpris plus d'un. Si la concurrence de Fernando Gaviria commençait à devenir encombrante, son gros salaire dans une équipe en restructuration a été l'autre élément qui a poussé vers un divorce à l'amiable entre le sprinter allemand et Patrick Lefevere. A voir si Kittel sera tout aussi gagnant sous ses nouvelles couleurs. 

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Marcel Kittel est un des meilleurs sprinters du peloton. Il est sûrement le plus rapide en vitesse pure, ce qui devrait lui assurer un bon nombre de victoires dans les sprints massifs sans embûches. Et ce, indépendamment de la couleur de son maillot. En plus, il ne devra pas vraiment partager sa leadership et pourra compter sur tout le soutien nécessaire. Il pourra faire sa star, quelques sprints et puis s'en va, et s'il passe la barre des dix succès, sa saison sera réussie. 

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : Marcel Kittel n'est pas vraiment un sprinter qui sait se débrouiller seul. Il a besoin d'être entouré et a surtout passé les deux dernières saisons sous la "protection" de spécialistes comme Fabio Sabatini, Iljo Keisse, Maxi Richeze ou Matteo Trentin. Dans une nouvelle équipe qui avait plutôt l'habitude de laisser Alexandr Kristoff se démerder comme un grand et qui ne compte dans ses rangs aucun poisson-pilote digne de ce nom, il n'est pas certain que Kittel soit dans les meilleurs conditions pour rafler les bouquets dès le début de l'année. Et un sprinter, c'est comme un centre-avant dans une équipe de foot : s'il ne la met pas au fond, il peut perdre confiance et faire un blocage psychologique. Avec la pression du leader unique en plus, ça peut faire un cocktail désastreux. 

Chances de réussite :**

Mikel Landa

Il quitte la Team Sky pour Movistar.

Après deux saisons chez Sky, le Basque poursuit son périple à travers les meilleures équipes du peloton. Deux années chez Astana, deux années chez Sky, le voilà chez Movistar, avec cependant toujours la même question : sera-t-il un leader protégé ou gregario de luxe ?

Pourquoi il peut réussir dans sa nouvelle équipe : Chez Astana ou chez Sky, Mikel Landa n’a jamais déçu. Il n’a jamais beaucoup gagné, certes, mais a toujours offert des prestations au-dessus de la moyenne. Changer d’équipe et s’adapter à un nouvel environnement n’est donc pas un problème pour lui. En outre, son retour en Espagne semble tomber à point : Alejandro Valverde ne pourra pas indéfiniment être l’alternative à Quintana dans les courses à étapes. Il y a donc largement la place pour un nouvel homme de pointe chez Movistar qui s’est aussi bien renforcé pour la montagne avec les arrivées de Sepulveda, Roson ou Valls. Landa a montré qu’il est un des meilleurs grimpeurs du peloton et qu’il sait enchainer deux grands tours de haut niveau. Avec un maître tacticien comme Eusebio Unzué et une équipe à son service, il peut être un des hommes forts de la saison.

Pourquoi il peut se planter dans sa nouvelle équipe : la carrière de Landa a été marquée par les relations pas toujours faciles avec ses leaders. Obligé de travailler pour Aru lors du Giro et la Vuelta 2015 alors qu’il semblait plus fort que le Sarde en montagne, Landa avait claqué la porte pour voir si l’herbe était plus verte chez les Sky. Mais l’histoire s’est répétée sur le Tour 2017 lorsque Landa aurait pu mettre en discussion la leadership de Chris Froome, mais a finalement couru avec le frein à main tiré. Dès son arrivée chez Movistar, les déclarations du Basque et de Nairo Quintana n’ont pas vraiment annoncé une entente cordiale. Si Landa ne saisira pas rapidement les occasions qui lui seront offertes, probablement sur le Giro, il risque de finir par faire le lieutenant de Quintana sur le Tour tout en faisant tout son possible pour montrer qu’il mérite un rôle de leader. Peut-être aurait-t-il dû choisir une équipe où il avait un statut de leader incontesté. Peut-être n’a-t-il pas osé…

Chances de réussite : ****