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Le maillot de l'équipe ONCE avec le bonhomme à la canne se reconnait parmi des milliers. On l'oublie parfois, il était bien jaune et non rose, comme la version utilisée lors du Tour de France pour ne pas le confondre avec la tunique de leader de la Grande Boucle. Un maillot jaune derrière lequel l'équipe espagnole courra d'ailleurs sans succès tout au long de ses 14 années d'existence. Retour sur l'histoire d'une des plus importantes équipes des années '90 et de son charismatique mais ambigu patron Manolo Saiz.

L'équipe ONCE, c'est l'œuvre d'un homme qui a cru révolutionner le cyclisme mais que le cyclisme finira par rejeter. C'est l'histoire de Manolo Saiz, qui en 1989 convainc l'organisation espagnole des aveugles qui gère la loterie nationale, la ONCE, d'investir dans une équipe cycliste et de lui en confier la gestion. Bien que Saiz n'ait qu'une expérience limitée dans ce sport en tant qu'entraîneur des équipes nationales des jeunes, la ONCE accepte le défi et ne le regrettera pas. Dès la première année, le directeur sportif prouve qu'il a du flair en engageant des coureurs intéressants comme Herminio Diaz Zabala ou Peio Luiz Cabestani qui remportent tous les deux des étapes sur la Vuelta, Cabestani terminant même le tour national à la quatrième place. C'est le début d'une grande histoire d'amour entre la ONCE et la Vuelta. Dès 1990, année où Marino Lejarreta offre la première victoire d'étape sur le Tour de France, un coureur ONCE, Anselmo Fuerte, monte sur la troisième marche du podium du tour d'Espoagne. La première victoire au général arrive déjà l'année suivante avec Melchior Mauri. Une Vuelta 1991 dominée du début à la fin par les hommes de Saiz, puisque les seuls autres coureurs ayant porté la tunique de leader étaient les coureurs ONCE Anselmo Fuerte et Diaz Zabala et que Marino Lejarreta termina à la troisième place derrière Mauri et Indurain. Entre 1990 et 2003, la ONCE montera 10 fois sur le podium final à Madrid.

Le grand tournant de l'équipe aura cependant lieu entre 1991 et 1992, années au cours desquelles la ONCE engage deux de ses coureurs les plus symboliques: Alex Zülle et Laurent Jalabert. Le premier est un jeune espoir du cyclisme suisse qui montre très vite des qualités physiques hors norme et remporte dès ses premières années chez les pros des courses d'une semaine comme la Setmana Catalana, la Vuelta a Asturias, la Vuelta a Burgos ou Paris-Nice. Le deuxième est un jeune sprinter français qui après deux années chez Toshiba fait son arrivée dans l'écurie de Saiz et y deviendra très vite "Jaja", un des derniers grands champions du cyclisme français. A cette époque, Saiz veut se démarquer de son grand rival dans la péninsule ibérique, la Banesto, et engage des coureurs étrangers pour gagner des grandes courses. La base de l'équipe est espagnole, mais les stars sont internationales. Johan Bruyneel, Eric Breukink ou Oliverio Rincon viennent renforcer l'équipe dans les années suivantes afin de donner un aspect de multinationale du cyclisme à la formation. A l'époque, le cyclisme espagnol vivait le règne de Miguel Indurain de manière contrastée, à l'image du pays sorti de la dictature et des années folles de la Movida des années '80. Si la Banesto représentait l'Espagne profonde et n'engageait que très peu de coureurs étrangers, d'autres équipes comme Kelme et surtout Euskadi, mettaient en avant les priorités régionales et de décentralisation du pays, alors que la ONCE représentait la modernité et la mondialisation. Une stratégie mise en place par Manolo Saiz qui y ajouta des techniques d'entrainement modernes, les camps en altitude, les programmations détaillées de la saison avec des objectifs précis et un investissement à la hauteur des ambitions. Sur les traces de la Banesto de Jose Maria Extevarri, la ONCE de Saiz fut une équipes pionnières du cyclisme moderne, tout comme Festina et la Team Telekom.

Vers le milieu des années '90, Laurent Jalabert garantissait un grand nombre de victoires grâce à ses qualités de sprinter, mais en 1995, il se transforme littéralement lors des trois semaines du tour d'Espagne en dominant la Vuelta de fond en comble: cinq victoires d'étapes, victoire du classement général, du maillot de meilleur grimpeur, du classement à points et évidemment du classement combiné. Cette même année, Jaja remporte également deux de ses plus belles classiques: Milan-Sanremo et la Flèche Wallonne. Ces victoires sont d'ailleurs les rares classiques que la ONCE ait remporté. L'année suivante commence sur les chapeaux de roue, avec une Vuelta Valenciana où les coureurs ONCE terminent aux cinq premières places du classement général! L'armada de Manolo Saiz commence à faire très peur au peloton. Elle remporte de nombreuses courses avec différents coureurs et devient quasi imbattable dans l'exercice du contre-la-montre par équipe. Cependant, elle ne réussira jamais à devenir invincible et dominer la course la plus importante, le Tour de France.

 

Après le Tour 1998 de l'affaire Festina, au cours duquel la ONCE abandonna la course pour protester contre l'intrusion des autorités françaises dans les "affaires" des équipes cyclistes, la formation accusa le coup. Peut-être à cause de la fin du dopage organisé au sein des équipes professionnelles et l'avènement du dopage à titre privé plus compliqué à mettre en oeuvre? Toujours est-il qu'il a fallu du temps pour retrouver les meilleures conditions afin de lutter pour les grands objectifs. Saiz retrouva en Joseba Beloki un possible vainqueur de la Grande Boucle, mais après une troisième place en 2001 et une deuxième en 2002, le rêve de vétir le maillot jaune se brisa dans la descente du col de la Rochette où Beloki glissa sur le bitume avant de se facturer le fémur alors qu'Armstrong s'en tira en passant à travers les champs.

Au cours de la même période, Manolo Saiz devint président de l'association des équipes professionnelles et utilisa sa position pour attaquer tous ceux qui doutaient des pratiques en vigueur au sein du peloton. Son caractère agressif et "rentre-dedans" fut apprécié par ses pairs, mais moins par la presse et les organisateurs des courses. On se souviendra du "on a mis un doigt au cul du Tour" après son retrait de la Grande Boucle 1998, de sa bataille juridique pour malgré tout pouvoir participer au Tour de l'année suivante ou de son exclusion de la Vuelta 2003, après avoir menacé de mort une équipe de motards de la télévision espagnole accusée d'avoir aidé Roberto Heras lorsque celui-ci attaqua son poulain Isidro Nozal. Cette exclusion lui empêcha d'ailleurs de suivre son leader lors du contre-la-montre de l'avant dernière étape au cours de laquelle Nozal perdit le maillot rouge au profit justement de Heras. Ce fut le dernier podium d'un coureur ONCE sur une Vuelta, car l'année suivante, l'association des aveugles et malvoyants décida de se retirer du cyclisme. Manolo Saiz poursuivit son chemin avec d'autres sponsors comme Liberty Seguros, Würth et Astana, mais ce fut plutôt une descente aux enfers, avec de nombreuses affaires de dopage impliquant plusieurs coureurs, dont Roberto Heras passé dans l'écurie Saiz depuis peu. En 2006, Manolo fut pris en flagrant délit avec une batterie de produits dopants dans sa glacière. Sa relation avec le docteur Fuentes fut largement relatée et alors qu'il était un des principaux accusés de l'Affaire Puerto, il se retira du monde cycliste avant d'en être banni.

L'ancien manager est resté très discret depuis lors, annonçant récemment son retour dans le monde du cyclisme amateur. Son héritage reste malgré tout important. Il aura évidemment contribué à changer le cyclisme dans les années '90, pour le meilleur et pour le pire, mais il aura surtout été un personnage essentiel de cette époque et pourra se vanter d'avoir eu de relations très fortes avec ses coureurs et d'avoir lancé la carrière de grands champions. Pas seulement de Mauri, Jalabert, Zülle, Gonzales de Galdeano ou Sastre, mais aussi de Purito Rodriguez qu'il engagea comme stagiaire en 2000 et d'Alberto Contador qui fit sa première apparition chez les pros sous le maillot de la ONCE-Eroski en 2003.

Comments

C est clair que la France a, de nos jours, pléthore de très bons coureurs...mais le digne successeur de Jaja n est pas encore là. On y a cru ou on y croit un peu avec Alaph, avec Galoppin, ou avec Démarre (pour les + optimistes) ...mais on y est pas encore

chouette article ! et bien illustré - Zülle pavés, La Plagne... Armentières, ça me fait mal à chaque fois que je revois ça... un successeur français au Panda ? Peut-être Alaph, oui, Once jamais...