festina

Ahh, le mythique maillot de l’équipe Festina... Mythique pour son design et le cadrant « type Rolex » dessiné sur le maillot; mythique car associé aux premiers exploits de Richard Virenque sur le Tour; mythique à cause de la fameuse «Affaire Festina». Retour sur l’histoire d’une équipe qui a marqué le cyclisme sans avoir gagné grand chose.

La marque de montres Festina entre dans le cyclisme en 1990 pour s’associer à sa filiale espagnole Lotus qui sponsorisait une équipe ibérique de deuxième catégorie depuis 1989. Les débuts de cette équipe espagnole sont discrets et peu encourageants, alors que tous les yeux du royaume sont pointés vers le nouveau phénomène de l’époque, Miguel Indurain. Pour la saison 1992, l’équipe affiche quelques maigres ambitions en engageant le multiple vainqueur du maillot vert Sean Kelly, alors agé de 36 ans et bien content d’obtenir un dernier contrat. L’Irlandais permet à ses nouveaux patrons d’apprécier le goût de la victoire en remportant Milan-Sanremo devant Moreno Argentin, ce qui sera son dernier grand succès. 

En 1992, on gagnait Milan-Sanremo comme cela...

C’est en 1993 que l’équipe Festina prend une nouvelle direction qui changera sa destinée. La formation espagnole fusionne avec le socle de l’ancienne équipe PDM qui avait quitté le peloton à la fin de la saison précédante. Le néerlandais Jan Gisibier devient manager de l’équipe et le jeune Bruno Roussel est engagé comme directeur sportif. L’effectif de la formation passe de 27 coureurs en 1992 à 47 l’année suivante ! En outre, le maillot de l’équipe change de design et adopte un style plus moderne qui restera de mise lors des années suivantes. En 1993, la formation Festina est composée de bons coureurs comme Mauro Gianetti, Pascal Lino, Thierry Marie, Jean-Paul Van Poppel, Steven Rooks, Thomas Wegmüller et le jeune Richard Virenque. Ancien coureur sans grands succès, Bruno Roussel avait fait ses premiers pas comme directeur sportif dans les équipes Helvetia et RMO. Plus visionnaire que la moyenne des managers, il essaye d’imposer son approche dès son arrivée dans l’équipe. Une approche basée sur les outils d’entrainement modernes, sur une préparation minutieuse, une planification à long terme, une suivi médical rapproché, mais aussi sur un marketing moderne et orienté vers un développement économique… Dans ses années de gloire, l’équipe vendait des maillots et faisait du merchandising tout en étant le fournisseur officiel des chronomètres dans la plupart des grandes courses du calendrier. Une première dans un monde souvent tourné vers le passé. Festina a été une des premières formations moderne, sourtout en ce qui concerne la structure et l’encadrement de l’équipe.

L’année de l’explosion est l’année 1994. L’équipe engage Luc Leblanc pour viser un podium sur le Tour de France. Il s’impose à Hautacam lors de la 11ème étape devant Indurain et Pantani. Le jour suivant, le monde entier découvre la sympatique tronche de Richard Virenque et sa propension à partir dans ses chevauchées en haute montagne. A Luz Ardiden, Virenque s’impose au terme d’une longue échappée et à 24 ans, il endosse son premier maillot à pois qui deviendra sa dexuième peau au cours des années suivantes. Leblanc et Virenque terminent respectivement 4ème et 5ème de ce Tour et en fin d’année, Lucho Leblanc s’offre le titre de champion du monde à Agrigento devant Claudio Chiapucci et son camarade Virenque.

Les boys de Bruno Roussel s’imposent au monde entier comme la nouvelle force du peloton. La popularité de la formation sera consolidée les années suivantes, même si les grands succès se font toujours attendre. Virenque devient « Richard Cœur de Lion ». Son maillot à pois, ses échappés victorieuses mais aussi sa simplicité accompagnée d’une légère arrogance assez caractéristique de la France profonde, en font le chocuhou d’une nation. Festina se renforce avec des coureurs français comme Laurent Brochard, Pascal Hervé, Didier Rous ou Christophe Moreaux, mais aussi des champions étrangers comme Laurent Dufaux, Gianluca Bortolami, Laszlo Bodrogi, Neil Stephens ou Fabian Jeker. L’équipe grandit et s’approche lentement du rêve jaune avec la troisième place de Virenque à Paris en 1996 et la deuxième place en 1997. La France tient son héros et ne se rend évidemment pas compte qu’il y a peut-être anguille sous roche, même lorsque Virenque achète sa victoire en directe mondiale à Jan Ullrich lors de l’étape de Courchevel du Tour 1997.

Version officielle...

Version réelle...

Les Festina deviennent les terreurs du peloton en imposant leur force, leur panache et leur soif d'attaques. Alex Zülle vient renforcer l’équipe en 1998. Année où Festina peut à nouveau arborer un maillot de champion du monde, celui de Laurent Brochard, dit La Broche. Zülle est censé enfin offrir un grand tour à l’équipe, mais alors qu’il domine largement le Giro devant Marco Pantani et Pavel Tonkov, il s’écroule lors de la 15ème étape dans les Dolomites. Certains disent qu’il a été victime d’experimentations médicales mal supportées ce jour-là…

Le Tour 1998 démarre cependant sous les meilleurs auspices pour la formation de Bruno Roussel. L’équipe est forte, elle l’a prouvé l’année précédante. Elle compte parmi ses rangs le champion du monde et le double vainqueur de la Vuelta Alex Zülle. Mais quelques jours avant le début de la Grande Boucle, le soigneur belge de l’équipe Willy Voet est interpellé par les douanes françaises à la frontière franco-belge. Les douaniers trouvent dans sa voiture d’innombrables ampoules d’EPO, de la testostérone, des amphétamines, des hormones de croissance. Bref, un véritable arsenal de guerre censé rapprocher les Festina du maillot jaune tant convoité. L’information est d’abord minimisée, mais dès l’arrivée du peloton sur le sol français (le départ était donné à Dublin), Bruno Roussel et le médecin de l’équipe Eric Ryckaert sont entendus par la police et mis en examen. Ils avouent le systeme de dopage organisé au sein de la formation et l’organisation du Tour décide enfin d’exclure les Festina de la compétition la veille du contre-la-montre par équipes. C’est le jour de la fameuse conférence de presse où Virenque et ses camarades aux cheveux oxygénés craquent et annoncent leur exclusion. Tous seront entendus par la justice sportive et la plupart avoueront l’usage de produits dopants, mais pas Virenque, ni Pascal Hervé. L’affaire Festina est probablement un des scandale le plus médiatisé de l’histoire récente du cyclisme. On mentionne aussi souvent que l’arrestation de Willy Voet ne fut pas vraiment un hasard. Qu’il aurait été dénoncé par des concurrents jaloux du succès de cette équipe moderne. Evidemment, Virenque et ses équipiers auront payé pour les autres, c’est-à-dire plus ou moins pour tout le peloton qui utilisait les mêmes produits à l’époque, mais certains en sont sortis de manière plus digne que d’autres.

L'Affaire

Pendant que Richard Cœur de Lion devenait la risée d’une partie du public avec sa marionette des Guignols de l’Info répétant quotidiennement la phrase « à l’insu de mon plein gré », l’équipe Festina essaye de survivre au naufrage. Virenque, Roussel et Zülle licenciés, l’équipe retourne lentement vers ses origines espagnoles, en réussissant finalement à remporter un grand tour lors de sa dernière année dans le peloton. Angel Casero s’imposa en effet lors de la Vuelta 2001 avant de prendre sa retraite quelques semaines plus tard, tout comme son sponsor principal.

En fin de compte, l’équipe Festina aura fait beaucoup de bruit pour pas grand chose. Si elle a effectivement occupé la première place du classement UCI pendant quelque temps, son palmarès n'est pas impressionnant. On a parlé de la Milan-Sanremo de Sean Kelly, on peut y ajouter un Gand-Wevelgem remporté en 1995 par Lars Michaelsen, mais c’est tout au niveau des classiques. Festina, c'était sourtout une équipe de grands tours et c’est là qu’ils ont brillé. En quelques années, Festina remporta 6 étapes sur le Giro, 12 sur le Tour de France et 18 sur la Vuelta, dont 9 par un sprinter un peu oublié, Marcel Wüst. La culture de l’encadrement scientifique inventé en partie par l’équipe aura aussi influencé le cyclisme moderne, pas toujours dans le bon sens d’ailleurs.

Ce qui restera dans les mémoires, bien plus que les sprints gagnants de Wüst, c’est évidemment l’Affaire Festina du Tour 1998. Il faut dire que cette affaire marqua un tournant dans l’utilisation des produits dopants qui ne fut finalement pas très bénéfique au monde cycliste. Au lieu de permettre d’aborder sérieusement un problème connu par tout le monde dans le milieu, l’Affaire Festina ne fit que changer le contexte et la manière dont le dopage était organisé au sein du peloton. L’omertà resta de mise, mais les sponsors et les équipes décidèrent de ne plus toucher au fruit défendu. Si le dopage était organisé au sein des formations avant 1998, il devint une affaire privée gérée individuellement par les coureurs à partir des années suivantes. Les produits, les réseaux des fournisseurs, les transports et le sotckage devinrent payants et à la charge des cyclistes. Ce fut le début de l’ère Lance Armstrong....

Comments

Superbe article, merci Lucho. Et belles vidéos: la discussion entre Virenque et Ullrich avant Courchevel (pouf pouf... ;-), la conf' de presse larmoyante de Brive (c'est chez moi - les gens du coin se souviennent encore des étranges petits sacs-poubelles de pilules et seringues retrouvés dans la nature, balancés en douce par quelques équipes paniquées - ceci est véridique). Niveau business, les patrons de Festina étaient en avance sur leur temps - normal pour des horlogers ?

Magnifique article de nouveau! Un vrai cours d'histoire... Merci! Ceci dit, après avoir regardé la vidéo de l'étape avec Riis qui ramène Ulrich pour le final avec Virenque qui explose tout... je vais sur Google et là.. évidemment tous les trois à l époque se dopaient.. A se demander ce qu!il en est exactement niveau dopage aujourd"hui dans le peloton ...