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Un des maillots à remporter au Fantatour 2017 est une tunique de l’équipe US Postal de la saison 2000. Une saison au cours de laquelle l’équipe américaine a franchi un cap et est devenue la machine incontestée dominant le Tour de France.

Retour sur la Grande Boucle la plus difficile pour le roi déchu.

Retracer l’histoire de l’équipe américaine US Postal devenue ensuite Discovery dans un article a un intérêt relativement limité. Au niveau sportif, à part énumérer les faciles victoires sur le Tour de France de Lance Armstrong, il n’y a pas beaucoup d’autres exploits à relater. Evidemment, l’aspect extra-sportif est plus intéressant, que ce soit au niveau de l’organisation, du dopage, des tensions entre coureurs, des relations entre Armstrong et Bruyneel, il y a beaucoup à dire et beaucoup a déjà été dit depuis que l’Américain s’est vu retirer ses sept victoires au Tour pour dopage incontesté. Concentrons-nous alors sur cette saison 2000 où les postiers historiques étaient tous aux ordres de celui qui n’était pas encore The Boss, du moins aux yeux du grand public.

L’équipe US Postal avait fait son apparition dans le peloton en 1996 en poursuivant le travail initié par la petite structure américaine Montgomery. Après des débuts limités essentiellement aux courses américaines, en 1998 l’équipe engage l’ancien champion du monde Lance Armstrong revenu d’une pause forcée due à un cancer des testicules miraculeusement guéri. Au début de la saison 2000, Lance Armstrong n’est pas encore le coureur arrogant qui domine les Tour de France sans laisser une miette à ses adversaires. Il a remporté un Tour 1999 à la surprise générale mais sans réelle concurrence et la plupart des analystes se demandent si le miraculé pourra confirmer ses prestations l’année suivante. L’US Postal a cependant d’autres atouts. Vlacheslav Ekimov assure quelques victoires sur des courses mineures, alors que Tyler Hamilton crée la sensation lors du Dauphiné où il remporte l’étape du Mont Ventoux pendant que son leader Armstrong est victime d’une défaillance. Armstrong aidera ensuite son équipier à remporter le classement général de la course de préparation à la Grande Boucle.

La veille du départ, la liste des favoris du Tour est relativement longue. Le vainqueur sortant Lance Armstrong évidemment, mais aussi Jan Ullrich dont la préparation n’a cependant pas été des meilleures, Richard Virenque, les anciens vainqueurs de la Vuelta Alex Zülle et Laurent Jalabert et Marco Pantani, revenu à la compétition quelques semaines plus tôt après une longue absence ayant suivi son exclusion du Giro 1999.

Le prologue du Futuroscope est remporté par le jeune David Millar qui devance Armstrong de deux secondes et s’empare du maillot jaune. Les premières étapes se terminent par des sprints massifs remportés par le Belge Tom Steels. L’équipe ONCE remporte ensuite le contre-la-montre par équipe de la quatrième étape, ce qui permet à Laurent Jalabert d’endosser la tunique de leader pendant deux jours avant de la céder à l’italien Alberto Elli.

La première grande bagarre est attendue à la neuvième étape avec l’arrivée au sommet de Hautacam. Mais elle n’a pas vraiment lieu, puisque Armstrong écrase ses adversaires et prend une option sur la victoire finale dès la première difficulté du Tour. Alors que l’Espagnol Javier Otxoa mène la course avec plusieurs minutes d’avance, dès les premiers lacets de la dernière ascension, Marco Pantani attaque comme à la belle époque. Il est suivi par Lance Armstrong et Alex Zülle, mais le leader de l’US Postal lâche rapidement ses adversaires pour aller reprendre le groupe d’intercalés comprenant notamment Richard Virenque, Santiago Botero, Fernando Escartin et « El Chava » Jimenez. Revoir les images des derniers kilomètres aujourd’hui est assez impressionnant, tellement on a l’impression que tous les coureurs abordent cette ascension de plusieurs kilomètres comme s’il s’agissait d’une courte bosse pour puncheurs. La fameuse époque EPO…

La démonstration d’Armstrong est cependant impressionnante. Il ne réussit pas à reprendre Otxoa mais termine deuxième et refile 1’15 à Virenque, plus de 3 minutes à Zülle, Beloki et Ullrich et plus de cinq minutes à Pantani qui, encore à court de compétition, avait visiblement les yeux plus gros que les jambes.

Avec une large avance sur ses adversaires, Armstrong et sa team gèrent les étapes suivantes sans problèmes. Il faut dire que la formation US Postal du Tour 2000 était composée de tous les équipiers historiques du Boss : Tyler Hamilton, Francky Andreu, Viatcheslav Ekimov, George Hincapie, Kevin Livingston et un certain Cédric Vasseur, bien connu des téléspectateurs francophones…

Lors de l’étape du Mont Ventoux, les postiers font exploser le peloton dès les premières rampes de la montée du mont chauve. Zülle, Jalabert, Moreau et Escartin sont vite lâchés. Pantani semble aussi souffrir et fait l’élastique avec le groupe de tête comprenant le maillot jaune, Ullrich, Botero, Heras, Virenque et Beloki. Mais le Pirate s’accroche au panache, revient à 5 kilomètres de l’arrivée et place une, deux, trois, quatre et cinq attaques avant de s’envoler. Armstrong, relativement passif jusque là, décide d’accélérer et revient facilement sur l’Italien. Les deux coureurs arrivent ensemble au sommet et le Pirate franchit en premier la ligne d’arrivée pour retrouver le goût de la victoire après plus d’un an. Mais cette victoire ne sera pas sans conséquences. Après la deuxième victoire de Pantani à Courchevel, quelques jours plus tard, où l’italien refile 50 secondes au maillot jaune, Armstrong et Pantani commencent à se provoquer par conférences de presse interposées. Le leader de l’US Postal parle du « cadeau du mont Ventoux » alors que Pantani répond qu’il n’a pas besoin de faveurs pour s’imposer. Personne ne saura vraiment si Armstrong a laissé gagner Pantani sur le Ventoux. On a beau revoir les images plusieurs fois, le « cadeau » n’est pas évident. C’est vrai qu’Armstrong ne donne pas tout, mais on a connu des victoires offertes de manière plus généreuse…

Toujours est-il qu’après la victoire de Courchevel, Pantani fait peur à Armstrong. Pas tellement au classement général où l’Italien pointe à plusieurs minutes, mais parce que contrairement aux autres coureurs comme Ullrich ou Virenque qui se contentent de suivre et jouer une place sur le podium ou le classement de la montagne, Pantani est incontrôlable, sanguin, irrévérent et surtout, plus fort qu’Armstrong en montagne. Le Boss montre alors son vrai visage et teste une technique qu’il utilisera souvent les années suivantes dès qu’il se sentira menacé : l’intimidation. Lors des conférences de presse du dernier jour de repos, Armstrong « regrette son cadeau », appelle Pantani « l’Elefantino » en référence à Dumbo et aux oreilles détaché du grimpeur italien.

Tel un boxeur acculé dans le coin, Pantani encaisse et pense déjà à sa contre-offensive. Une contre-offensive qui aura lieu lors de la 16ème étape entre Courchevel et Morzine-Avoriaz sur son terrain de prédilection : la montagne. Contrairement à ses habitudes, le Pirate attaque dès le premier col de la journée. Il met en difficulté le maillot jaune et son équipe, obligée de faire une réelle poursuite non prévue au programme. Armstrong ne comprend pas cette attaque et panique. Dans son excellent livre « The Secret Race », Tyler Hamilton raconte que son leader a communiqué à plusieurs reprises avec le docteur Ferrari via son team-manager Johan Bruyneel pour savoir si Pantani avait obtenu une potion magique inédite, pour savoir combien de temps il pouvait tenir à ce rythme. Armstrong panique, il épuise ses équipiers afin que le retard sur Pantani reste stable autour des deux minutes et oublie de s’alimenter correctement. Alors que le Pirate est finalement repris avant le dernier col de la journée, le Joux-Plane, Lance Armstrong est victime de son unique réelle défaillance sur ses sept années de règne. Un Pantani épuisé craque évidemment dès les premières accélérations, le maillot jaune s’accroche mais est finalement lâché à la pédale. Ullrich, Virenque, Beloki, Escartin et Heras s’en vont sans que le maillot jaune ne réagisse. C’est finalement Virenque qui remporte l’étape devant Ullrich et Heras. Armstrong perd deux minutes mais reste solidement en tête du général. Quant à Pantani, victime de problèmes gastriques en raison d’une alimentation trop forte en sucres liquides (Tom Dumoulin sait de quoi on parle…), il termine à plus de 13 minutes du vainqueur et ne repartira pas le lendemain.

Cette défaillance n’aura aucune influence sur les résultats finaux du Tour, puisqu’après quelques étapes intermédiaires (et oui, à l’époque, la dernière étape de montagne se déroulait cinq jours avant l’arrivée à Paris!) et un contre-la-montre de 58 kilomètres, Armstrong remporte sa deuxième Grande Boucle avec 6’ d’avance sur Ullrich et 10’ sur Beloki. Cela restera le seul moment où le Boss a réellement été mis en difficulté en sept ans de domination. Et malgré cela, le Texan sort du Tour 2000 renforcé. Il a titubé mais a remporté sa bataille avec Pantani. Il a pris un clair ascendant psychologique sur Jan Ullrich et s’est assuré que, mis à part un grimpeur italien orgueilleux, le restant du peloton se contentera de lutter pour la deuxième place du général. Armstrong et son équipe ont définitivement pris le pouvoir au sein du peloton en ce mois de juillet de l’année 2000.

Ce Tour restera donc dans l’histoire comme celui du duel entre Armstrong et Pantani. Deux coureurs trop différents pour cohabiter au sein du peloton et lutter à la régulière pour un seul trône. Les conséquences en seront malheureusement dramatiques. Le Pirate ne se remettra pas de cette défaite et sa carrière entamera une pente descendante rapide et dangereuse. Le coup fatal lui sera asséné l’année suivante, lorsque Jean-Marie Leblanc annonce que la Mercatone Uno de Pantani n’est pas invitée sur le Tour 2001. L’excuse officielle prétextant que l’état de forme du Pirate est une inconnue que les organisateurs ne veulent pas affronter, tient plus ou moins la route, même si on voit mal pourquoi se priver d’un coureur qui d’une manière ou d’une autre peut offrir un réel spectacle aux amateurs. Mais aujourd’hui, avec le recul et les révélations qui ont montré comment Armstrong contrôlait et manipulait le monde cycliste à l’époque, des coureurs aux médecins en passant par l’UCI et les organisateurs de courses, on peut se demander quel rôle Armstrong a joué dans l’exclusion de Pantani du Tour 2001. En plus de la grande gueule du Texan, dans le cyclisme comme ailleurs, les intérêts financiers prennent facilement le dessus sur les aspects humains et sportifs. Et en comparant les sponsors des deux formations, les doutes sont bien plus grands: d’un côté un supermarché de meubles régional, la Mercatone Uno, de l’autre, le géant US Postal avec une série de co-sponsors qui figuraient sur le maillot en 2000 : VISA, Yahoo, Volkwagen, la banque d’investissement Thomas Weisel Partners, la société pharmaceutique Bristol-Myers Squibb, la société d’information financière Bridge. Tout est dit…

Et pendant qu’Armstrong avait déjà fêté son cinquième succès sur le Tour, la descente aux enfers de Pantani se termina un triste jour de février 2004 avec la mort du Pirate pour overdose de cocaïne dans un hôtel de Rimini.

Comments

Un régal d'article, comme d'habitude - merci Lucho & Git4n. Avis aux fantacyclistes anglophones, lisez le bouquin de Tyler Hamilton 'The Secret Race', ça fait peur... ah, tiens, je vois qu'il a été traduit en français, 'La Course Secrète'... bref, édifiant.

Terrible article... (en direct de Bogota??? :-)
Et concernant le livre "La course secrète".. Je l'ai lu.. Terrifiant... Depuis lors, quand je regarde des vidéos de cette époque... J'ai l'impression que tout transpire la magouille, le malsain, la triche... Et cette image du cintre dans l'hôtel utilisé pour les transfusions sanguines...
Bref.. Finalement, concernant cette période, la phrase de l'article dit tout...
"On a l’impression que tous les coureurs abordent cette ascension de plusieurs kilomètres comme s’il s’agissait d’une courte bosse pour puncheurs. La fameuse époque EPO…"

Un très bon article en effet! Il illustre très bien la mentalité d'Armstrong! Mais je ne suis pas tout à fait d'accord quand je lis que l'étape de morzine du tour 2000 "restera le seul moment où le boss a été mis en difficulté" : Armstrong a eu beaucoup plus de mal à gagner le tour 2003 que le tour 2000, et Ullrich aurait pu l'emporter si il avait eu une meilleure lecture de la course! Et il me semble que Pantani est mort en 2004, pas en 2003.

Quant à la comparaison avec le Tour 2003, c'est vrai qu'il était plus serré et que c'est le seul qu'Armstrong aurait pu perdre. Mais malgré cela, il n'a pas vraiment été victime d'une défaillance comme sur le Joux-Plane en 2000. Il a juste moins écrasé la course que les autres années. L'article voulait surtout souligner cet aspect là. Enfin, c'est pour avoir ce genre de débats qu'on les écrit. Merci.