Le grand rendez-vous de fin septembre est enfin à nos portes. Les championnats du monde d’Innsbruck se dérouleront dimanche dans le Tirol autrichien et s’annoncent plus ouverts que jamais, indécis et surtout très spectaculaires. Cela faisait en effet longtemps que le parcours d’un Mondial de cyclisme n’était plus aussi difficile et permettra de voir un maillot arc-en-cien lutter pour la victoire dans un grand tour l'année prochaine. Une petite présentation de la course s’impose.

On doit remonter aux Mondiaux de Duitama (Colombie) de 1995, remportés par Abraham Olano devant Miguel Indurain et Marco Pantani, pour retrouver un parcours aussi difficile dans une course pour le maillot arc-en-ciel. Et pour cause, les 258 kilomètres que le peloton devra parcourir dans les Alpes autrichiennes présentent un dénivelé total de 4670 mètres. A titre de comparaison, les dernières éditions des classiques Monument Liège-Bastogne-Liège ou Tour de Lombardie présentaient environ un dénivelé de 4000 mètres. L’étape de l’Alpe d’Huez du Tour 2018 avait quant à elle un dénivelé d’environ 5000 mètres. Après 80 kilomètres en ligne, le peloton entrera dans le circuit d’Innsbruck qu’il devra parcourir à sept reprises. Ce parcours prévoit simplement une montée de 7.9 kilomètres à 5.7% de moyenne. Sept montées de 7.9 km à du 5.7%, ça correspond plus au moins à une étape de grand tour avec sept cols de 2ème catégorie. Et ce, avant de subir la cerise sur la gâteau : la bosse de Gramartboden, 2.8 km avec une moyenne de 11,5% et des pics allant jusqu’à 28% ! Il restera 8 kilomètres avant l’arrivée après le passage au sommet du Gramartboden, mais nul ne doute qu’il ne restera plus beaucoup de prétendants au titre à ce moment-là. Vu ce parcours, on a envie de dire que ce ne sera pas le meilleur grimpeur ou puncheur qui remportera le titre de champion du monde, ni le plus rapide au sprint parmi les costauds. Non, le champion du monde 2018 sera tout simplement le dernier survivant d’un course qui s’annonce massacrante.

Pas étonnant qu’avec un tel parcours, on retrouve tous les hommes qui luttent généralement pour le classement général dans les grands tours prêts à se livrer bataille. Enfin, tous sauf Chris Froome et Geraint Thomas qui n’ont pas daigné honorer l’histoire du cyclisme et participer à un Mondial où ils pouvaient pourtant briller. Bon, Froome a fait le doublé Giro-Tour et on pourrait encore le comprendre, mais Thomas, il n’a pas d’excuses. Mais bon, tant pis pour eux et concentrons-nous plutôt sur les coureurs présents, car il y en a beaucoup qui pourraient se vêtir en arc-en-ciel dimanche soir.

Malgré le parcours difficile, le grand favori des Mondiaux d’Innsbruck n’est pas le plus grand grimpeur du peloton, mais Julian Alaphilippe. La grande question, est d’ailleurs de savoir si certains puncheurs comme Alaphilippe, Kwiatkowski, Moscon ou les Belges Wellens, Van Avermaet ou Teuns pourront rester avec les purs grimpeurs et faire jouer leur expérience dans les courses d’un jour et leur rapidité au sprint. C’est loin d’être sûr, même si Alaphilippe est annoncé partout et par tout le monde comme le favori numéro 1 et qu’un coureur comme Gianni Moscon a été nommé co-leader de la squadra azzurra aux côtés de Vincenzo Nibali. Les enjeux tactiques de la course se situent à ce niveau et la chance des équipes française, polonaise et italienne est d’avoir plusieurs cartes à jouer avec des grimpeurs attaquants comme Pinot, Bardet, Majka, Nibali ou Pozzovivo,  et des coureurs qui seront surement plus prudents comme Alaphilippe, Kwiatkowski et Moscon. C’est un peu le cas aussi de l’Espagne qui peut jouer sur tous les fronts avec un seul coureur, Alejandro El Imbatido Valverde. Ce n’est par contre pas le cas des deux autres armadas que sont la Colombie avec Quintana, Lopez, Uran et Henao et les Pays-Bas avec Dumoulin, Kruijswijk, Mollema et Poels qui devront tout simplement tout faire exploser et espérer avoir le coureur le plus fort du lot.

L’autre inconnue en vue de faire les pronostics pour cette course, c’est l’état de forme des coureurs en cette fin d’année. Evidemment, la plupart des prétendants se sont préparés pour ce rendez-vous, mais il est difficile de savoir où il en sont vraiment. Sans compter l’aspect un peu aléatoire des courses d’un jour : avec un parcours aussi difficile, ceux qui ne sont pas dans un super jour dimanche passeront un sale moment et n’iront probablement pas au bout. Est-ce qu’un coureur comme Nibali sera-t-il à 100% malgré le chemin difficile qu’il a dû affronter pour arriver à Innsbruck? Est-ce que Dan Martin sera au top alors qu’il a décroché pour vivre la naissance de ses filles en pleine Vuelta ? Est-ce que les coureurs qui ont enchainé le Tour et la Vuelta comme Alekandro Valverde, Nairo Quintana, Adam Yates, Steven Kruijswijk, Bauke Mollema, Ion Izaguirre, Rafal Majka, Ilnur Zakarin ou Michal Kwiatkowski ne seront pas trop cramés ? Est-ce que ceux qui n’ont pas beaucoup couru depuis le Tour comme Bardet, Moscon, Jungels ou Roglic auront-il un rythme de course suffisant ? Est-ce que des coureurs qui n’ont pas spécialement brillé en Espagne comme Kelderman, Woods, Uran, Bennett ou Buchman ont-ils encore de l’énergie pour franchir le dernier cap ? Enfin, est-ce que Simon Yates, qui aurait pu être l’incontestable favori de la course, en a gardé sous la pédale après sa victoire Madrid et le naturel relâchement  qui s’en est suivi?

Enfin, une dernière question à se poser, est qui sera l’invité surprise de ces championnats du monde. Dans ce genre de course difficile, il y a toujours quelqu’un qu’on n'attend pas mais qui est dans un super jour et qui lutte jusqu’au bout pour la victoire. C’était le cas de Rui Costa à Florence en 2013, de Henao, Fuglsang ou Majka aux JO de Rio en 2016. Tous les quatre pourraient d’ailleurs rééditer ces exploits à Innsbruck, tout comme d’autres outsiders tels que les grimpeurs autrichiens Konrad, Preidler ou Muhlberger, l’Australien Jack Haig, le Danois Valgren, l’Ecuadorien Richard Carapaz, l’Allemand Max Schachmann, le Suisse Matthias Frank, voir l’éternel Roman Kreuziger.

Et avec tout ça, on n’a même pas évoqué le scénario d’un quatrième titre du Roi Peter Sagan… Un scénario qu’on a vraiment du mal à imaginer…

Il y a donc beaucoup de questions et peu de sources d’information pour y répondre et créer sa fantateam pour le Mundial en toute décontraction.  Il faudra y aller à l’instinct… Ce qui est certain, c’est que la course de dimanche n’est à manquer sous aucun prétexte !