rabobank

L'histoire maudite de l’équipe néerlandaise Rabobank. Un sponsor présent dans le peloton jusqu’à peu et dont la formation est encore en activité sous le maillot de la Jumbo Visma. L’histoire de la team Rabobank vaut le détour car il s’agit probablement de l’équipe ayant eu le plus de « bad beats » dans l’histoire récente du cyclisme.

Giro 2016, 19ème étape entre Pinerolo et Risoul. Le Colle del Agnello, le passage le plus haut du tour d’Italie, est franchit par trois hommes: Vincenzo Nibali, Esteban Chaves et le maillot rose Steven Kruijswijk. Le Néerlandais possède la tunique de leader depuis 6 jours. Il la défend de manière impériale, il a trois minutes d’avance sur le deuxième du classement général et est tout simplement le plus fort du Giro. Dans la descente du col, Kruijswijk doit suivre le rythme fou des excellents descendeurs que sont Nibali et Chaves. Il sort large d’un virage, heurte un mur de neige et vole au dessus de son vélo. La neige limite les conséquences de sa cabriole, mais Steven Kruijswijk a perdu le Giro 2016 à cet instant. Il ne terminera même pas sur le podium…

Ce fait de course nous en rappelle d’autres. Beaucoup d’autres. Tous liés à cette formation qui a tellement donné au cyclisme lors des vingt dernières années, mais qui a tellement peu récolté, à part des chutes et beaucoup de désillusions. La formation Rabobank est créée en 1996. Orphelin des équipes néerlandaises comme PDM ou Panasonic qui avaient quitté le peloton au début des années ‘90, le cyclisme néerlandais se cherchait à l'époque une nouvelle voie pour retrouver sa splendeur d’antan. La fédération cycliste néerlandaise et la banque Rabobank signent alors un accord permettant au nouveau sponsor de reprendre une ancienne structure afin de créer une formation professionnelle de premier plan, tout en investissant dans la formation des jeunes, dans les équipes amateurs et le cyclocross. Le projet est ambitieux et censé reporter la couleur orange au sommet du cyclisme mondial.

Malgré la présence de quelques coureurs en fin de carrière comme Erik Breukink, Adrie van der Poel et Johan Bruyneel, l’équipe mise avant tout sur le jeune espoir du cyclisme batave de l’époque: Michael Boogerd. Boogerd remporte en effet une étape dès sa première participation au Tour en 1996 et termine 5ème de la Grande Boucle deux ans plus tard. Lorsqu’il remporte l’Amstel Gold Race en 1999 devant Lance Armstrong, le pays entier pense avoir enfin trouvé le successeur des grimpeurs néerlandais des années ’80 comme Theunisse et Rooks, ou au pire, avoir trouvé le nouveau Jan Raas qui dirigeait l’équipe à l’époque et qui détenait le record de victoires sur la classique de la bière (cinq succès). Mais Boogerd ne sera ni l’un, ni l’autre. Incapable de gérer la pression sur trois semaines, il remportera des étapes sur les grands tours, mais ne sera jamais capable de lutter pour une place sur le podium final. Sur les classiques ardennaises, Boogerd semblait par contre avoir le profil adéquat pour se construire un beau palmarès. Mais il deviendra très vite l’éternel second. Après sa victoire sur l’Amstel en 1999, il terminera quatre fois sur le podium dans les cinq années suivantes, sans jamais remonter sur la première marche. L’attente d’une nouvelle victoire de Boogerd sur sa classique nationale devient une fixation au pays des tulipes. Chaque année on l’attend. Chaque année il échoue si près du but. Pour compléter son œuvre, il collectionnera aussi trois podiums sur Liège-Bastogne-Liège et trois podiums sur le Tour de Lombardie. Sans aucune victoire évidemment.

Bizarrement, alors que la formation Rabobank avait un caractère néerlandais très poussé, ses principales victoires viendront des coureurs étrangers. Denis Menchov qui offre les seuls grands tours à l’équipe avec les victoires à la Vuelta 2007 (grâce à la disqualification de Heras pour contrôle positif après la fin de la course) et au Giro 2009. Et surtout Oscar Freire qui s’installe aux Pays-Bas en 2003 et offrira à l’équipe de nombreux succès, dont trois Milan-Sanremo, un Gand-Wevelgem, un titre de champion du monde et plusieurs étapes sur les grands tours. Avec Freire et d’autres coureurs comme les frères Zberg, Erik Dekker ou plus tard, Lars Boom, la formation néerlandaise s’illustrera surtout sur les classiques d’un jour plus que sur les montagnes du Tour, du Giro ou de la Vuelta. Cependant, malgré quelques belles victoires, les nombreuses places d’honneur obtenues dans les classiques et les courses d’une semaine, colleront aux dirigeants de l’équipe une réputation de piètres tacticiens, incapables de mener leurs talents vers la victoire, malgré un potentiel énorme.

La mauvaise expérience vécue avec le danois Michael Rasmussen, qui, sorti de nulle part, doit abandonner le Tour 2007 et son maillot jaune à cause de très fortes suspicions de dopage, poussera les dirigeants de la Rabobank à abandonner la piste internationale pour se concentrer sur les jeunes coureurs locaux qui montrent enfin que les investissements dans la formation n’étaient pas inutiles. En 2006, Robert Gesink termine deuxième du Tour de l’Avenir alors que l’année suivante, c’est son compatriote et compagnon d’équipe Bauke Mollema qui s’impose dans le Tour de France espoirs. Robert Gesink débute sa carrière chez les pros avec de nombreux résultats impressionnants. Il remporte des étapes de courses d’une semaine devant les plus grand noms du peloton et se prépare à attaquer son grand objectif: le Tour de France. Après deux ans au cours desquels il accumule de l’expérience dont un top-10 sur la Vuelta dès sa première participation, Gesink prend enfin le départ du Tour de France en 2009. Mais le batave chute lourdement lors de la cinquième étape et doit abandonner le lendemain. Robert encaisse, repart de plus belle et termine sixième de la Vuelta cette année-là. L’année suivante, il perd plus de deux minutes dans une étape de plaine en première semaine mais termine quand même la course à la cinquième place finale. Les attentes sont énormes, tout comme le potentiel du Condor van Versseveld. Mais, alors qu’il figure parmi les grands favoris de l’édition 2011 du Tour, Gesink chute lors de la 5ème étape et ne sera pas au mieux pendant le restant de la course. L’année d’après, même topo. Une chute lors de la 6ème étape lui enlève toute chance de victoire et le pousse à l’abandon quelques jours plus tard. Cette fois, le bon Robert a du mal à encaisser et ne retrouvera pas son meilleur niveau jusqu’à ce qu’il annonce en 2014 qu’il doit se faire opérer au cœur à cause du stress accumulé. Il reviendra sur le Tour 2015 et prendra une sixième place finale à la surprise générale. Mais alors qu’il se préparait pour le Tour de cette année en Suisse, Gesink chute dès la première étape, se brise le crane et doit renoncer à la Grande Boucle. Quand on a la poisse…

La carrière de Mollema est moins dramatique que celle de son compatriote, mais Bauke n’aura jamais vraiment confirmé les bons résultats obtenus dans les catégories des jeunes. Un bon coureur de top-10 avec quelques victoires par saisons, sans plus. D’autres coureurs actuellement en activités comme Wilco Kelderman, Tom-Jelte Slagter ou Steven Kruijswijk ont eu un parcours similaire: des très bons résultats dès les premières années chez les pros, beaucoup d’espoirs et autant de déceptions pour lentement disparaître des radars. Avant d’éventuellement revenir sur le devant de la scène comme Kruijswijk lors du Giro 2016 pour finalement se faire rattraper par la malédiction qui poursuit encore et toujours la formation orange.

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Poster un billet fantacycliste sur la Rabobank ou regarder le match Pays-de-Galles / Belgique ? Ce vendredi soir, Lucho a fait le bon choix. Respect :-)