
Christian Scaroni a remporté la seizième étape du Giro en paradant main dans la main avec son équipier Lorenzo Fortunato à l’arrivée à San Valentino. Si la photo souvenir des Astana restera une belle image, l’étape du 27 mai 2025 restera dans les annales pour les secousses qu’elle a porté au classement et au Giro en général. Par où commencer ? Peut-être par le premier fait majeur de la journée, à savoir l’abandon de Primoz Roglic à la suite d’une énième chute dans une descente sur une route mouillée. On le savait démoralisé et diminué physiquement, mais il avait décidé de prendre le départ, offrant encore quelques espoirs à ses supporters. Cette nouvelle glissade a fait déborder le vase et poussé le Slovène à hisser le drapeau blanc. Le cyclisme est un sport dur et il ne faut pas spécialement faire des chutes spectaculaires pour se faire mal, mais on peut quand même se poser la question si les problèmes de Roglic sont vraiment dus aux petites chutes qu’il a subies la semaine dernière ou à l’âge qui passe et qui par la force des choses le rend moins compétitif. Toujours est-il que les Fantamanagers n’ont pas eu le temps de vérifier quel coureur allait remplacer Roglic dans leur team, qu’une nouvelle bombe était lâchée sur les routes du Giro. L’autre grand favori de la veille, Juan Ayuso, était victime d’une énorme défaillance dans l’avant-dernier col du jour et, abandonné par ses équipiers, il terminera l’étape avec plus de 15 minutes de retard sur le vainqueur. Sans les deux leaders censés se disputer la victoire finale, le Giro devenait plus ouvert que jamais, et si la victoire d’étape allait se jouer entre les rescapés de l’échappée matinale dominée par les Astana, les autres hommes du général allaient se livrer une bataille épique dans la dernière difficulté du jour. Carapaz en premier, puis Derek Gee, puis Simon Yates, tous à l’attaque du maillot rose Isaac Del Toro qui a résisté comme il a pu avant de craquer et perdre beaucoup de temps sur ses adversaires. Il reste en rose avec 26 secondes d’avance sur Yates, 31 sur Carapaz et 1’31 sur Gee. Tiberi, Bernal et Adam Yates ont montré quelques limites, contrairement à Caruso et Storer qui grimpent respectivement à la cinquième et septième place du classement général. Et que dire de Giulio Pellizzari, qui libéré de ses tâches domestiques, a éclaboussé le final de l’étape de sa classe et risque d’être l’homme de cette troisième semaine. Bref, une étape de fou, un Giro qui était déjà fort intéressant mais qui devient à présent un des grands tours les plus passionnants qu’on ait vu depuis des années.
Ce tremblement de terre aura évidemment un impact sur le Fantagiro et sur les équipes qui comptaient lutter pour un bon résultat. Exit Roglic et Ayuso, on verra émerger les teams qui n’ont pas mis tous les œufs dans le même panier, ou les équipes B remplies de vieux grimpeurs auxquels on ne croyait plus depuis longtemps comme les frères Yates, Carapaz, Bernal et même Caruso. La victoire d’étape de Sanikki2, actuellement 273ème du classement général avec Fortunato, Carapaz, Gee, Storer, Piganzoli et Simon Yates entré à la place de Ciccone, annonce la couleur. C’est parti pour une semaine de pur fantacyclisme !
Le bon plan du jour
Vu les nombreuses défaillances, il y avait un nombre proportionnel de bons plans. On pourrait citer Carapaz, Yates, Gee, Pellizzari ou l’immortel Caruso. Ils auront encore le temps de faire parler d’eux. Place alors à celui qui porte le maillot bleu de meilleur grimpeur depuis la deuxième journée et qui a plus ou moins remporté ce classement s’il arrive à Rome. Lorenzo Fortunato a visé le classement de la montagne dès les premières étapes, il ne l’a pas caché et il faut admettre qu’il n’a pas rencontré beaucoup de concurrence, A San Valentino il a fait une belle emplette de points avant d’offrir la victoire d’étape à son camarade Scaroni, moins à l’aise que lui dans les derniers kilomètres de la montée. Un beau geste, un maillot bleu solidement accroché sur ses épaules et 680 points au compteur pour 24 millions. Bon plan!
Le mauvais plan du tour
Juan Ayuso comptait entrer dans la cour des grands en remportant un premier grand tour à l’âge de 22 ans. Finalement, il ne devait que battre un Primoz Roglic vieillissant et incapable de piloter correctement sa machine… Mais Juan Ayuso ne gagnera pas le Giro et la cour des grands lui a claqué la porte au nez. Au moment d’écrire cette rubrique, on n’a pas eu d’explications sur les raisons de sa défaillance, et la plupart des commentaires parlent simplement d’un jour sans. Mais on se permet quand même d’évoquer l’hypothèse d’un craquage psychologique après une semaine où sa leadership au sein de l’UAE a été constamment remise en question face aux performances du maillot rose Del Toro. On savait que Juan Ayuso avait quelques limites au niveau du mental, notamment suite à l’histoire avec Pogacar lors du dernier Tour, et il est bien probable que son ego n’a pas géré l’ascension pleine d’insouciance et d’impertinence de son jeune équipier. Se mettre à son service pour peut-être aider Del Toro à gagner le Giro. Apprendre l’humilité. C’est probablement par là que Juan Ayuso devra commencer pour entamer un nouveau chemin vers la cour des grands.