Le vainqueur de la Fantavuelta 2023 pourra remporter un maillot de l’équipe Domina Vacanze de la saison 2003, celle où Mario Cipollini portait le maillot arc-en-ciel. Retour sur l’histoire d’une équipe qui a offert une deuxième vie au Roi Lion.
Pendant l’âge d’or du cyclisme italien qui coïncide avec l’âge d’or de l’EPO, les équipes professionnelles poussaient et se développaient comme des champignons lors d‘un automne pluvieux. Brescialat, Roslotto, Refin, Panaria, Aki, ZG, Navigare, Batik… Il y en avait pour tous les goûts et toutes les catégories, permettant à des centaines de coureurs de tenter l’expérience professionnelle, souvent sans exploits ni grandes histoires. C’est dans ce contexte que nait en 1996 l’équipe Cantina Tollo, d’abord sous pavillon slovène avant de devenir italienne dès la saison suivante. L’équipe est jeune et présente des coureurs italiens dont on ne se souviens plus trop, même si elle participe à la Vuelta dès sa première saison et remporte une étape avec Marco Di Renzo. En 1998, Serghiy Honchar et Gilberto Simoni viennent renforcer le groupe, ce qui lui permettra d’être invitée au Tour de France en 1999. Ces années-là, l’équipe monte légèrement en puissance avec les arrivées de Danilo Di Luca, Gabriele Colombo ou Rodolfo Massi qui apportent quelques succès de prestige, mais elle n’arrive pas vraiment à se démarque de toutes les autres formations de ventre-mou qui inondent le peloton en ce début du millénaire. Pour sortir du lot, il fallait un grand nom, une star, et la star italienne de l’époque c’était Mario Cipollini.
A la fin de l’année 2001, Super Mario a 34 ans. Il est encore le roi du sprint mais les victoires commencent à se faire plus rares et le champion toscan sent qu’il a besoin de nouveaux défis pour rester sur son trône. Il quitte Saeco et son train rouge après 8 saisons et 90 bouquets pour rejoindre la formation de Vincenzo Santoni qui change de nom en même temps avec l’arrivée du nouveau sponsor Acqua e Sapone. La jeune marque de vélo Specialized participe au deal, ayant vu l’impact marketing que Cipollini avait eu avec les vélos Cannondale à l’époque de Saeco. Un système que le fabricant américain reproduira d’ailleurs par la suite et jusqu’à nos jours, comme en atteste le partenariat et l’implication financière dans les transferts de Peter Sagan. Nouveau leader, nouveau nom, nouveaux vélos, il fallait aussi un nouveau maillot pour se démarquer des concurrents et de leurs tuniques anonymes. Le maillot zébré noir et blanc proposé pour le début de saison 2002 ne laisse pas indifférent et colle parfaitement à la personnalité hors nomes de la nouvelle star de l’équipe.
Pour Cipollini, le besoin de changer d’air est évident. D’ailleurs il n’arrive pas chez Acqua e Sapone avec toute sa garde rapprochée, mais uniquement avec le fidèle Mario Scirea. Il pourra cependant bénéficier d’excellents poissons-pilotes comme le jeune Daniele Bennati ou l’expérimenté Giovanni Lombardi. Le premier grand objectif de la saison est Milan-Sanremo, une classique où Super Mario avait rarement brillé jusqu’à sa deuxième place en 2001 derrière Erik Zabel. L’occasion est belle et toute l’équipe travaille pour un seul objectif : amener le Roi Lion dans un peloton qui se disputera la victoire sur la Via Roma. Les hommes zébrés ne paniquent pas lorsque Paolo Bettini attaque dans le Poggio, ils travaillent ensemble pour un regroupement tout en organisant le train pour le sprint. Massimiliano Gentili, Guido Trenti et Giovanni Lombardi lancent Cipollini qui résiste au retour de Fred Rodriguez et remporte son premier monument à 34 ans. Ce début de printemps parfait poussera d’ailleurs Super Mario à revenir sur les classiques du Nord, avec une étonnante neuvième place au Tour des Flandres remporté par Andrea Tafi. Deux jours plus tard, il participe à Gand-Wevelgem, course qu’il avait remporté à deux reprises à ses débuts sous le maillot GB-MG. Le sprinter veut se faire plaisir et après le dernier passage du Mont Kemmel, il décide de ne pas attendre un éventuel sprint et fait le bond sur la tête de la course en solitaire. Il rejoint ainsi les échappés Fred Rodriguez, George Hincapie, Hendrik Van Dijk et Andrea Hvastija pour les derniers 30 kilomètres avant de les battre facilement au sprint.
La suite de la saison sera toute aussi prolifique, avec 6 victoires au Giro, la routine… Mais cela n’empêche pas Jean-Marie Leblanc et l’organisation du Tour de France de confirmer l’exclusion de l’équipe de Super Mario de la Grande Boucle. La fâcheuse tendance de Cipo de ne pas terminer les grands tours n’a jamais plu aux organisateurs, tout comme sa propension à attirer l’attention sur son personnage plutôt que de mettre en valeur l’évènement auquel il participe. Toujours est-il que les tensions entre Cipollini et ASO sont tellement fortes qu’aucune évolution positive n’est possible. Le Roi Lion profite d’ailleurs de l a première semaine du Tour 2002 pour annoncer de manière provocatrice qu’il arrête le cyclisme. Dégouté par un sport qui lui a tourné le dos, lui qui « a donné plus au cyclisme que ce qu’il a obtenu en retour », Cipollini veut surtout emmerder les français pendant leur période magique du mois de juillet. Car il sait que les championnats du monde organisés sur le circuit belge de Zolder en octobre sont une opportunité unique pour un sprinter d’endosser le maillot arc-en-ciel. Le sélectionneur italien Franco Ballerini lui a promis une équipe entièrement à sa disposition, un train azzurro pour sa première sélection en équipe nationale. Le plan se déroule à la perfection : après une Vuelta d’échauffement où il remporte 3 sprints avant d’abandonner après 8 étapes, Super Mario se présente à Zolder en tant que grand favori. Il bénéficie d’un effort collectif parfait et d’un train d’exception formé par Luca Scinto, Davide Bramati, Scirea, Bortolami, Bettini, Petacchi et Lombardi qui le dépose aux 150 mètres pour l’envoyer vers le titre. Encore aujourd’hui, cette prestation est considérée comme une des plus belles performances collectives d’une équipe nationale dans un Mondial.
Mario Cipollini devient champion du monde à 34 ans, au nez et à la barde de ses nombreux détracteurs. Il pourrait s’arrêter là, mais il honorera ses contrats et portera fièrement le maillot arc-en-ciel pendant la saison 2003, année où son équipe change à nouveau de nom pour s’appeler Domina Vacanze. Avant cela, le manager Vincenzo Santoni avait tenté de réunir au sein de la même équipe les deux stars italiennes du peloton Marco Pantani et Mario Cipollini. Le Pirate sortait de deux saisons difficiles et l’objectif était de lui offrir une équipe solide pouvant être invitée à toutes les courses grâce à son champion du monde. Mais Pantani avait déjà sombré dans la dépression et l’affaire n’ira pas au bout avec les conséquences tragiques qu’on connait. Quant à Cipollini, il retente le triptyque Sanremo-Ronde-Wevelgem, mais ne termine que 4ème de la Primavera derrière les attaquants Bettini, Celestino et Paolini, abandonne au Tour des Flandres et est disqualifié de Gand-Wevelgem après avoir jeté un bidon contre une moto de l’organisation qui l’aurait fait chuter dans la descente du Mont Kemmel. Les années se suivent et ne se ressemble pas…
Au Giro, sa couronne est mise en doute par Alessandro Petacchi qui le devance lors des deux premiers sprints. Mais Le Roi Lion n’est pas mort et avec la force de la détermination, il réussira à remporter deux étapes d’une importance capitale dans sa Toscane natale: celle d’Arezzo qui lui permet d’égaler le record de victoires d’Alfredo Binda et celle de Montecatini, qui permet de dépasser le maitre et de devenir, avec 42 bouquets, le coureur avec le plus grand nombre de victoires d’étape au Giro. Malgré ce nouveau record et le maillot arc-en-ciel, l’équipe Domina Vacanze ne sera toujours pas invitée au Tour de France. Une nouvelle désillusion qui démotivera complètement le sprinter italien qui refusera de prendre le départ de la Vuelta en septembre prétextant un manque d’entrainement. Mais les organisateurs du tour d’Espagne avaient invité l’équipe pour sa star et pas pour admirer leur maillot zébré. Ils menacent alors d’exclure la formation Domina Vacanze avant même le départ de la course. Cipollini jouera le jeu, il confirmera sa présence au grand départ de Gijon et participera difficilement au contre-la-montre par équipe initial. Par contre, il s’enfuira de son hôtel le lendemain à l’aube pour rentrer chez lui, faire un énième doigt d’honneur aux organisateurs et confirmer sa réputation de coureur irrespectueux et peu fiable.
On n’attend plus grand-chose de lui au début de 2004 et malgré deux victoires dans des courses mineures, le Roi Lion semble bel et bien avoir abdiqué. Il ne gagnera aucune étape au Giro pour la première fois en 14 participations. Super Mario quittera l’équipe à la fin de la saison pour une dernière demie pige chez Liguigas, alors que la formation de Vincenzo Santoni changera de sponsor et retournera dans l’anonymat sous le nom de Naturino. L’agence de voyage Domina Vacanze restera encore une saison dans le cyclisme, mais pour sponsoriser une autre structure qui deviendra plus tard l’équipe Milram.
Ahh, on oubliait… ironie de l’histoire, après le Giro 2004 médiocre, Cipollini et son équipe seront enfin invités au Tour de France. Pour boucler la boucle, Cipo ne sprintera pas et abandonnera la course après 5 étapes… à sa manière.
Comments
Savoureuse histoire, merci !…