mapei

On essaie chaque année d'offrier au vainqueur du Fantaclassics un maillot vintage de l’équipe Mapei. Quoi de mieux, en effet, que récompenser le roi des classiques avec le maillot de la formation qui a dominé les courses d’un jour pendant près d’une décennie. Petite histoire de celle que certains appellent, « The greatest team ever », la meilleure équipe de tous les temps.

653. Un simple chiffre qui à lui seul résume toute la grandeur de la team Mapei. C’est en effet le nombre de victoires obtenues par les coureurs au maillot à cubes. 653 victoires en 9 saisons, ça fait une moyenne de 72 victoires par an. Quand on sait qu’en 2018, l’équipe la plus victorieuse du peloton était la Quick Step avec un chifre record depuis la création du World Tour de 73 succès, et bien, ça vous situe un peu le personnage. A part le Tour de France et, bizarrement, Milan-Sanremo, la Mapei a tout gagné. Inutile de tourner autour du pot, il s’agit bien là de la team de référence dans l’histoire du cyclisme lorsqu’on parle des classiques et des courses d’un jour. En 1997, les coureurs Mapei ont d’ailleurs établi un record de 95 victoires annuelles. Un record qui risque bien de tenir très longtemps.

Le parcours a commencé en 1993, lorsque la team Eldor Viner en grande difficulté financière, convainc le patron d’une entreprise de produits chimiques pour le bâtiment, de financer l’équipe avant le début du Giro. La marque Mapei et son maillot à cubes multicolores font leur première apparition dans le peloton. Mais surtout, Giorgio Squinzi, le PDG de Mapei, met son premier euro et son premier pied dans le monde cycliste. Il le révolutionnera à coups de millions, d'idées visionnaires et de bras levés. Dès 1994, Squinzi décide de fusionner avec l’équipe espagnole Clas pour former la Mapei-CLAS. Ce n'est pas tellement l'incorporation au groupe de bons coureurs comme Tony Rominger, Fernando Escartin ou Abraham Olano qui intéresse Squinzi, mais plutôt le partenariat avec Ernesto Colnago. Un partenariat qui restera de mise jusqu'à la fin de l'aventure. Contrairement à la plupart des autres formations qui ont besoin de quelques années pour connaître les premiers grands succès, la Mapei gagne dès ses débuts. Il faut dire qu’en tant que passionné de cyclisme, Giorgio Squinzi ne lésine pas sur les moyens pour construire sa machine de guerre. Squinzi s'impliquera aussi personellement dans l'équipe et y amenera une culture de l'entreprise inconnue à l'époque dans le monde la petite reine.  Le "style Mapei".

Le premier obejctif pour la saison 1994 est de signer Mario Cipollini, mais malgré des négotiations avancées, le projet n'aboutira pas à cause des prétentions salariales trop élevées du Roi Lion. Squinzi choisira une autre voie. La structure espagnole de l'équipe Clas est complétée par ce qui se fait de mieux en Italie en ce qui concerne les courses d’un jour: Franco Ballerini, Andrea Tafi ou Gianluca Bortolami acceptent de participer au projet dès le début. Gianluca Bortolami remporte d’ailleurs la coupe de monde de l’année alors que Tony Rominger s’impose à la Vuelta. La Mapei termine l’année au premier rang du classement UCI. Elle ne le quittera plus jusqu’en 2002, mis à part une brève parenthèse en 2001.

La première victoire de l'équipe Mapei: Stefano Della Santa au Trofeo Melinda

Le vrai tournant a cependant eu lieu avant la saison 1995, avec l’arrivée du sponsor GB et la fusion avec groupe belge de l’équipe GB-MG emmené par Patrick Lefevere et Johann Museeuw. Le mariage est parfait. L’armada est indestructible. Dans les années suivantes, la team Mapei-GB est composée d’une myriade de champions qui raflent tout: Adriano Baffi, Franco Ballerini, Carlo Bomans, Gianluca Bortolami, Johan Museeuw, Andrea Noe, Abraham Olano, Tony Rominger, Tom Steels, Wilfried Peeters, Franck Vandenbroucke, Stefano Zanini, Daniele Nardello, Oscar Camenzind, Andrea Tafi, Michele Bartoli, Paolo Bettini, Oscar Freire. Tous au sommet de leur art. Tous au service de la meilleure team de l’histoire. Dirigée par des directeurs sportifs jeunes mais ambitieux comme Giuseppe Saronni, Patrick Lefevere ou Fabrizio Fabbri, la Mapei se forge un palmarès hors du commun: 3 Tours de Flandres (deux succès pour Museeuw et un pour Tafi), 2 Gand-Wevelgem (Vandenbroucke et Steels), 2 Tours de Lombardie (Tafi et Camenzind), 2 Liège-Bastogne-Liège (Bettini), 4 Het Volk/Het Nieuwsblad (Ballerini, Steels, Museeuw, Bartoli), 6 Flèches Brabançonnes (Museeuw quatre fois, Pianegonda, Fabian De Waele), 3 GP de l’E3 (Museeuw, Bart Leysen, Bomans), sans compter les multiples succès dans des classiques moins prestigieuses. Et puis, les coureurs Mapei réussissent l’exploit de se sacrer champions du monde sur route à quatre reprises (Olano en ’95, Museeuw en ’96, Camenzind en ’98 et Oscar Freire en 2001) et à devenir surtout les dominateurs absolus de la Reine des Classique, Paris-Roubaix. Les pavés de l’Enfer du Nord semblaient se transformer en cubes multicolores au passage des Squinzi boys : 5 victoires (deux pour Ballerini et Museeuw, une pour Tafi) et un total de 14 podiums en neuf participations, avec notamment les exceptionnels triplés de ’96, ’98 et ’99. Celui de 1996 restera dans toutes les mémoires, avec l’arrivée groupée de Museeuw, Bortolami et Tafi dans le vélodrome de Roubaix. On raconte que c’est Giorgio Squinzi lui-même qui donna les consignes à Patrick Lefevere pour imposer l’ordre d’arrivée et la première victoire du Lion des Flandres dans sa course fétiche. Mais en réalité, le patron avait juste demandé que les trois échappés arrivent ensemble dans le vélodrome pour entrer dans l'Histoire. L'ordre d'arrivée était établi par les coureurs, conscients de qui était le plus fort ce jour là. L'exploit extraordinaire des coureurs Mapei fut néanmoins gâché par les polémiques, initiés surtout par la presse italienne, sur l'ingérence des sponsors dans les résultats sportifs. Squinzi en prit pour son grade et, véxé et décu, il hésita à tout lâcher après cet exploit historique.

Le chef d'oeuvre de Paris-Roubaix en 1996

Au tournant du siècle, l’équipe Mapei est une vraie multinationale du cyclisme, avec des coureurs du monde entier qui lèvent les bras dans les quatre coins de la planète et développent fortement la visibilité de la marque. Un juste retour pour les millions investis par Squinzi, mais aussi une situation difficile à gérer, car le nombre de potentiels leaders était bien trop élevé pour garder un équilibre sain dans le groupe. La dualité entre Bettini et Bartoli, les tensions entre Ballerini et Lefevere, les jalousies entre italiens et belges ou l’absence de vrais grégarios au service des leaders, ne sont que quelques exemples qui pousseront d’ailleurs Patrick Lefevere à quitter la famille Mapei et créer sa propre formation en 2001. La scission amènera à la création de la Domo Farm Frites et jettera les bases de l’actuelle Quick Step. La multitude de chasseurs de victoires au sein de la formation explique aussi en partie l’absence de résultats de l’équipe dans les grands tours. En effet, à part la victoire de Tony Rominger dans la Vuelta 94 et au Giro 95, les coureurs Mapei ont rarement occupé les podiums finaux des tours de trois semaines. Les fans de Squinzi expliqueront qu’en tant que défenseur d’un cyclisme propre, le patron italien avait compris qu’à cette époque il était impossible de gagner un grand tour sans dopage sanguin et qu’il voulait pour cela mettre le paquet sur les courses d’un jour. Difficile de prouver et approuver cette analyse lorsqu’on connaît la situation du cyclisme et le dopage généralisé de l’époque. Mais les divergences de points de vue entre la direction de l'équipe et les instances internationales en ce qui concerne la lutte contre le dopage et le renouveau du cyclisme, étaient connues publiquement. Lors du Giro 1999, les coureurs de l'équipe emmenés par Andrea Tafi entrerons d'ailleurs en conflit avec le reste du peloton, Pantani et Jalabert en tête. Ils étaient les seuls à accepter les contrôles sanguins surprise organisés par le comité olympique italien, alors que tous les autres ne voulaient que se soumettre aux contrôles validés par l'UCI. Lors de ce Giro, Tafi et les Mapei durent subir les critiques, voir insultes, de leur confrères, mais en fin de compte, on se souviendra surtout de ce Giro pour l'exclusion de Pantani à deux jours de l'arrivée pour un taux d'hématocrite trop élevé. Le contrôle positif à un diurétique de Stefano Garzelli alors qu’il était maillot rose lors du Giro 2002 et que la victoire dans un grand tour était enfin à portée de main, poussera d’ailleurs un Giorgio Squinzi déçu et désabusé, à annoncer le retrait de Mapei du cyclisme professionnel. On pourra aussi ajouter que lorsque, ces dernières années, certains se sont amusés à refaire les classements des Tours de France dans les années Armstrong, en effaçant les coureurs impliqués dans les affaires de dopage, Daniele Nardello s’est vu attribuer virtuellement la victoire au Tour de France 1999 et 2000. Tout un symbole, puisque Nardello est le seul coureur à avoir endossé le maillot Mapei de la première à la dernière saison. 

Après avoir abandonné le peloton, Giorgio Squinzi se lancera dans d’autres aventures, en rachetant notamment un club de foot de promotion, le Sassuolo, et en amenant l’équipe en première division et en Europa Legaue en quelques années. Quand on à la sens et les moyens de la réussite, hein.

Une des dernières victoire de la Mapei: Paolo Bettin iau Giro del Lazio 2002

L’armada Mapei et son maillot à cubes multicolores auront laissé une trace énorme dans l’histoire du cyclisme. Pour le nombre de victoires obtenues bien sûr, mais aussi pour la manière extrêmement professionnelle, voir scientifique, d’aborder le sport de haut niveau. L’argent investi, le développement du centre de recherche médical Mapei Sport censé contrer la multiplication de médecins personnel pour les coureurs, la création d’équipes de jeunes dans de nombreux pays. Mapei était clairement à l’avant-garde et un bon nombre d’équipes d’aujourd’hui, à commencer par la Team Sky et évidemment Quick Step, en ont copié la philosophie. Un des derniers héritages laissés par le groupe de Squinzi se trouve dans l’équipe de jeunes néo-pros créée en 2002 et censée permette à un groupe de futurs champions d’entrer graduellement dans le monde professionnel. Cette team remporta non moins de 47 victoires dans les courses mineures en une saison. Elle était composée de 14 jeunes, parmi lesquels on trouvait Filippo Pozzatto, Bernard Eisel, Michael Rogers et un certain Fabian Cancellara. On le disait, les rois des classiques…

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