HTC

Ce Tour de France 2019 sera peut-être la dernière occasion de voir s'affronter les deux plus grands sprinters de leur génération, Mark Cavendish et André Greipel.  Deux champions qui ont vu leur carrière réellement exploser au sein de la même équipe, la Columbia-HTC-High Road. Une équipe où tout a été très rapide, y compris sa durée de vie. Retour sur l'histoire récente des rois de la vitesse.

Suite au retrait du monde du cyclisme de la Deutsche Telekom fin 2007, les managers américains Bruce Carmedelle et Bob Stapleton reprennent la structure de la formation allemande sans le soutien d’un sponsor, d’où le nom de la société de gestion sportive propriétaire de l’équipe, la High Road. L’équipementier sportif Columbia viendra sponsoriser l’équipe dès le Tour 2008, alors que la société de téléphones mobiles HTC entre en jeu comme deuxième, puis sponsor principal, en 2009.

Lors de la première saison dans le peloton, l’équipe ressemble à la défunte T-Mobile, avec une armada de coureurs internationaux, parmi lesquels on compte notamment les Allemands Burghardt, Ciolek et Klier, l’Autrichien Eisel, les Australiens Adam Hansen et Michael Rogers, le Luxembourgeois Kim Kirchen ou l’Italien Marco Pinotti. S’y ajoutent des nouvelles recrues comme les jeunes Edvald Boasson Hagen, Tony Martin, Marcel Sieberg et Konstantin Sioutsou ainsi que le pistard Bradley Wiggins. Même si l’effectif sera réduit au cours des années, l’équipe américaine gardera toujours un important aspect international, plutôt anglo-saxon et axé sur les disciplines liée à la vitesse comme le contre-la-montre et le sprint. D’ailleurs, les deux hommes de pointe qui marqueront l’équipe autant que son maillot « six-pack » plutôt réussi, sont Mark Cavendish et André Greipel.

Les frères ennemis du sprint mondial

L’histoire de Mark Cavendish et André Greipel est intéressante et mériterait d’être scénarisée pour déboucher sur un bon film de rivalité sportive à l’américaine. Encore faudrait-il décider qui est le bon et qui le méchant dans l’histoire, ce qui est loin d’être évident. Cavendish et Greipel entrent en 2006 dans la T-Mobile. Le Britannique est plus précoce que son ami de Rostock et commence déjà à gagner des sprints en 2007. Greipel a du potentiel, mais en attendant qu’il explose, on lui demande surtout de jouer le rôle de dernier homme pour son équipier. C’est ainsi qu’en 2008, les deux jeunes sprinters participent ensemble au Giro. Les choses fonctionnent plutôt bien et le Cav remporte deux étapes en première semaine. Lors de la 17ème étape, Greipel se prépare à lancer son leader, mais, sorti en tête du dernier virage, il fait parler sa puissance pour lancer le sprint sans se retourner ni s’arrêter. Derrière lui, Cavendish semble en garder sous la pédale, contrôle les adversaires et lève les bras en même temps que Greipel pour fêter leur 1er et 2ème place. Tout va bien dans le meilleur des mondes… Mais malheureusement, cette démonstration de force va marquer la fin de la relation entre les deux équipiers. En effet, l’attitude de Cavendish fait directement dire aux médias qu’il a offert la victoire à Greipel pour le remercier de ses loyaux services. Ce qui ne plait nullement à l'Allemand qui connait ses cuisses, la puissance qu’elles peuvent développer et aspire à plus qu'un rôle de poisson-pilote de luxe. Le futur Gorille de Rostock lâche un « Je pense qu’il voulait me passer » à la presse et enclenche la plus belle guerre fratricide de la décennie. Cavendish a le sang chaud et ne pardonnera jamais ce manque de gratitude. Les deux sprinters ne participeront plus jamais à une course sous le même maillot après ce Giro.

En attendant, les carrières des deux jet-men se mettent réellement en route. Surtout celle de Cavendish qui remporte 4 étapes au Tour 2008, puis Milan-Sanremo en 2009, suivi de trois victoires au Giro et 6 au Tour 2009! Greipel gagne aussi beaucoup mais doit se contenter des courses mineures ou de la Vuelta, ce qu’il accepte de plus en plus difficilement. En 2009, ils remportent ensemble 43 victoires, 23 pour le Manx Missile et 20 pour le Gorille de Rostock. Ils se partagent le calendrier et vivent séparément sous le même toit.

C’est en 2010 que les choses vont réellement se compliquer. Greipel fait un début de saison exceptionnel en remportant trois étapes et le classement général au Tour Down Under, plus deux courses en Espagne et au Portugal, alors que Cavendish peine à trouver son meilleur niveau et ne réussit pas à débloquer son compteur. Mais les dirigeants de le Team HTC-Columbia décident de faire confiance à leur homme de pointe. Ils excluent Greipel de la formation en lice pour Milan-Sanremo en misant tout sur le vainqueur sortant qui terminera seulement 89ème de la Classicissima. C’est la goutte qui fait déborder le vase pour Greipel qui déclare à la presse qu’il méritait sa place dans l’équipe surtout parce que Cavendish était loin d’être au top. La presse ne rate pas l’occasion d’en rajouter en profitant aussi de la réputation de mauvais garçon que Cavendish a eu le temps de se construire. C’est vrai que la réponse de Cannoball quelques jour plus tard via presse interposée n’est pas très diplomatique: « Les commentaires de Greipel après Milan-Sanremo ne m’ont pas plus. (…) S’il pensait pouvoir gagner, il fallait le dire avant plutôt que de commenter les résultats par la suite. (…) Courir dans la même équipe ne me pose pas de problèmes car je suis plus fort que lui, même en méforme. (…) Greipel ne gagnera d’ailleurs jamais un Monument ». Avec le recul, ces mots de Cavendish peuvent être considérés comme prémonitoires, mais à l'époque, ils foutent clairement le bordel au sein de l’équipe. Greipel pourra participer au Giro en guise de consolation, alors qu’il voulait le Tour, mais n’y gagnera qu’une seule étape. Cavendish sortira quant à lui du tunnel au Tour et montrera au monde entier qu’il est plus fort que la pression et les critiques à son égard. Ses larmes après son premier succès à Montargis en disent long sur les difficultés qu’il avait surmonté. Il gagnera cinq étapes sur ce Tour.

Ce printemps 2010 marquera le début de la fin de l’aventure d’André Greipel au sein de la formation High Road. Il quittera l’équipe pour rejoindra la Lotto, entièrement à son service, et depuis lors, chaque sprint sera l’occasion de mettre en scène le grand duel entre les deux anciens frères ennemis.

Une machine à rouler

La formation Columbia – HTC – High Road ne se limitait cependant pas aux deux sprinters. Il est vrai qu’avec deux jet-men de premier plan, l’équipe devait former des trains et des poissons-pilotes de qualité. Mark Renshaw, Greg Henderson, Adam Hansen, Marcel Sieberg, Lars Bak ou Bernhard Eisel figuraient parmi les meilleurs derniers-hommes de l’époque. Ils profitèrent aussi des rares occasions pour montrer qu’ils pouvaient faire plus que lancer leurs leaders. Eisel remportera ainsi Gand-Wevelgem en 2010 où il succéda d’ailleurs à Edvald Boasson Hagen qui avait remporté la classique flandrienne l’année précédente sous les mêmes couleurs. Renshaw remporta aussi quelques courses, dont le Tour du Qatar en 2011, tout comme Gregory Hendersen qui remporta une étape à la Vuelta 2009. La formation américaine avait le sprint dans son ADN et après avoir lancé Cavendish, Greipel et Boasson Hagen, elle tenta de trouver des nouvelles pépites. Certains comme Mimo Reynes ou Zack Dempster ne franchiront jamais un cap, mais d’autres offriront de belles satisfactions à l'équipe. Comme Matthew Goss qui était plus qu’un simple sprinter, puisqu’il remporta d’importantes classiques comme le GP de Plouay en 2010 et Milan-Sanremo en 2011. Lors de cette dernière saison de l’équipe, le jeune John Degenkolb fit également ses débuts dans le circuit World Tour en remportant très vite des courses importantes.

Comme toute équipe anglo-saxonne qui se respecte, la formation Columbia – HTC – High Road  possédait aussi une belle brochette de spécialistes du contre-la-montre. En premier lieu Tony Martin qui se révéla au public en 2008 et devint très vite un des meilleurs chronoman du peloton. Après ses victoires dans des tours d’une semaine, notamment Paris-Nice, on pensait que l’Allemand pouvait aussi lutter pour le classement général des grands tours, mais ses difficultés en montagne lui empêchèrent de suivre cette voie. Marco Pinotti, Bert Grabsch, Maxime Monfort, les frères Velits étaient aussi des spécialistes des courses contre le temps qui garantissaient à l’équipe un certain nombre de victoires par an. En quatre saisons, les coureurs de l’équipe remportèrent ainsi un total de 21 titres nationaux en contre-la-montre.

Une des dernières courses d’un coureur de la formation américaine permit d’ailleurs à Tony Martin de remporter son premier titre de champion du monde au contre-la-montre à Copenhague. Il fut imité quelques jours plus tard par Mark Cavendish qui remporta la course en ligne devant Matthew Goss et André Greipel… Un podium avec trois coureurs formés chez High Road qui, ironie de l’histoire, cessera ses activités quelques semaine plus tard, faute de nouveau sponsor.

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