
Le maillot vintage à remporter pour le concours des classiques d’automne 2025 est une maillot de l’équipe Asics – CGA de 1997. Une équipe éphémère, un maillot très classique, porté par deux grands noms du cyclisme italien des années ’90 : Claudio Chiappucci et Michele Bartoli.
A la fin de la saison 1996, l’équipe historique Carrera annonce son retrait du cyclisme après une dizaine d’années de succès et d’émotions. Ses hommes de pointe avaient vécu une mauvaise année, Claudio Chiappucci étant sur le déclin et Marco Pantani en revalidation après un terrible accident, et les dirigeants de l’équipe aux cuissards couleur jeans décidèrent de quitter le peloton. Alors que Marco Pantani pouvait bénéficier d’une nouvelle équipe construite autour de lui, la Mercatone Uno, le directeur sportif de la Carrera Davide Boifava décida de poursuivre l’aventure avec son poulain Claudio Chiappucci en créant l’équipe Asics – CGA. Un équipementier sportif comme sponsor principal était relativement rare à l’époque, mais l’entreprise japonaise spécialisée dans les chaussures de courses à pied se voyait bien mettre un orteil dans ce nouveau monde des deux roues qui pouvait lui ouvrir de nouvelles perspectives. Il faut aussi dire que Davide Boifava avait une autre bonne raison de garder une équipe de haut niveau dans le peloton, étant lui-même dirigeant de la marque de cycles Carrera-Podium, créé par l’équipe Carrera en 1989 et fournissant les vélos aux Boys lors de leur exploits en montagne et ailleurs. La jeune marque avait encore besoin d’être présente au plus haut niveau pour accroitre sa visibilité, ce qui fonctionna visiblement puisque Carrera-Podium construit et vend encore des vélos aujourd’hui.
L’équipe Asics – CGA de 1997 était évidemment centrée autour de Claudio Chiappucci. Celui qu’on appelait « Il Diablo » en raison de son panache endiablé n’était pourtant plus celui qui faisait rêver les foules au début de la décennie. Son dernier podium et sa dernière victoire d’étape sur un grand tour dataient de 1993. Il n’avait pas levé les bras en 1996, une première depuis 1988, et était devenu un équipier/capitaine pour les jeunes coureurs de l’équipe. Mais le nouveau projet relance la motivation de Chiappu qui fait quelques bons résultats en début de saison, comme la deuxième place au Tour de Sardaigne et la sixième lors du Tour des Flandres remporté par Rolf Sorensen. Il est cependant surpris par un test sanguin lors du Tour de Romandie. Avec un taux d’hématocrite de 51.8%, il est suspendu préventivement pendant deux semaines et rate ainsi le début du Giro d’Italia. Un Giro où l’équipe réussira malgré tout à remporter une étape avec Alessandro Baronti, un coureur de 30 ans qui évoluait encore chez les amateurs trois ans auparavant. Revenu de suspension, Il Diablo participe à la Vuelta où il rate de peu le premier maillot jaune en terminant deuxième de l’étape inaugurale au Portugal. Sur le circuit d’Estoril, le leader de l’équipe Asics s’incline face à Lars Michaelsen au sprint, mais devance néanmoins des coureurs rapides comme Laurent Jalabert ou Maurizio Fondriest. Chiappucci termina la Vuelta à la onzième place, ce qui lui vaudra une convocation par la Squadra pour les Championnats du Monde de San Sebastian. Mais il sera à nouveau surpris par un test sanguin indiquant un taux d’hématocrite au-delà des 50% acceptées et ne sera pas aligné sur la course remportée par Laurent Brochard. Toute une époque…
Il faut rappeler qu’on est en 1997, un an avant l’affaire Festina, et les affaires de dopage ne sont pas encore généralisées. Des grands noms ne sont pas encore tombés et les contrôles hors norme de Chiappucci sont presque des premières pour un coureur de ce niveau. Ces faits embarrassants liée au leader de l’équipe ne plaisent guère au sponsor Asics, dont le nom reflète les initiales de l’expression Anima Sana In Corpore Sano (Un esprit sain dans un corps sain). Davide Boifava n’a donc autre choix que de se débarrasser de son poulain qui lui a donné tant d’émotions au cours de sa carrière. Chiappucci ira faire une dernière pige dans l’équipe Ros Mary – Amica Chips, mais il ne sera déjà plus Il Diablo et prendra sa retraite sans trop faire de bruit à la fin de la saison 1998. Quant à Davide Boifava, il tentera de relancer le projet en profitant de la fin de l’équipe MG Boys – Technogym pour recruter des coureurs déjà au top mondial comme Michele Bartoli ou des jeunes espoirs comme Paolo Bettini.
Le choix s’avère payant, car Bartoli est au sommet de son art pendant ces années-là. Il gagne dès sa deuxième course avec le maillot Asics au Tour Méditerranéen avant de réaliser un printemps de toute beauté : une huitième place à Sanremo, une deuxième au GP de l’E3, une victoire aux Trois jours de La Panne, une sixième place au Tour des Flandre, une cinquième à la Flèche Wallonne, une troisième place à l’Amstel Gold Race et une victoire en apothéose sur Liège-Bastogne-Liège.
L'exceptionnel printemps 1998 se poursuit lors du Giro, où Paolo Bettini se fait connaître par le grand public en attaquant à tout va et où Andrea Noé remporte la onzième étape à San Marino devant les deux coureurs qui se disputeront la victoire de ce Giro, à savoir Marco Pantani et Pavel Tonkov. Mais c’est deux jours après, lors de la treizième étape menant le peloton à Schio, que l’équipe Asics CGA vivra son moment de gloire. L’étape vallonée mène le peloton aux portes des Dolomites. Les leaders du général comme Pantani, Tonkov ou Zülle s’attaquent dans le col de Zovo, mais la pluie qui tombe sur le parcours calme tout ce beau monde qui préfère ne pas prendre de risques dans la descente et renvoyer la grande bagarre dans la haute montagne. Bartoli, Bettini, Noé et Giuseppe Guerini sont moins prudents dans la descente et prennent un avantage qui tiendra jusqu’à l’arrivée. Les trois coureurs Asics ne font qu’une bouchée du grimpeur de poche Guerini et Michele Bartoli remporte sa deuxième (et dernière) victoire d’étape sur le Giro. Mieux encore, avec cette attaque Andrea Noé endosse le maillot rose, qui s’ajoute aux maillots cyclamen porté par Bartoli et au maillot vert du meilleur grimpeur endossé par Bettini. Trois maillots distinctifs pour trois coureurs de la même équipe qui viennent de faire 1,3 et 4 d’une étape dantesque… c’est plutôt pas mal comme carte de visite.
La suite du Giro sera marquée par le festival de Marco Pantani qui remportera son premier tour d’Italie, alors que Paolo Bettini terminera septième du classement général, ce qui restera son meilleur résultat sur un grand tour.
La bonne année de l’équipe se poursuivra avec quelques bonnes performances de Bartoli dans les classiques de la deuxième partie de saison et une troisième place lors des championnats du monde de Valkenburg derrière Oscar Camenzind et Peter Van Petegem. Des championnats du monde où le jeune stagiaire fraichement arrivé Ivan Basso remporte le titre chez les espoirs. Ces résultats n’empêcheront pas le sponsor Asics de quitter le monde du vélo à la fin de la saison. Le Tour de France et l’affaire Festina étant passé par là, il n’y avait pas grand-chose de sain dans le cyclisme de l’époque, ni dans le corps, ni dans l’esprit…
Davide Boifava réussira à maintenir l’équipe en vie grâce au sponsor Riso Scotti, mais les budgets réduits ne permettaient pas de garder des coureurs comme Bartoli et Bettini. Ivan Basso étant encore trop jeune pour porter une équipe sur ses épaules, la saison 1999 se terminera sans victoires et une clé mise sous la porte par les dirigeants qui n’avaient plus beaucoup à récolter d’un cyclisme hors contrôle.
Comments
Maintenant Chiappucci…
Superbe gazette! Toujours un…